Le Groupe d’action financière demande plus de transparence à la Tunisie

 Le Groupe d’action financière demande plus de transparence à la Tunisie

Réunion de la Task force (GAFI) à Paris

Une mission technique dite « on-site » (sur site) d’experts du Groupe d’action financière (GAFI) auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) s’est déroulée récemment, a-t-on appris fin mai. Il en ressort des conclusions qui rappellent au pays de mauvais souvenirs d’il y a quelques années.

Les années 2019 et 2020 avaient en effet respectivement constitué deux dates clés de délivrance pour la Tunisie sur le plan des sanctions occidentales : après avoir été dans un premier temps maintenue sur la liste noire du financement du terrorisme en février 2019 par l’Union européenne, d’intenses efforts de lobbying diplomatique du gouvernement sortant Chahed avaient à l’époque permis d’abord de sortir en octobre de la même année de la tout aussi peu flatteuse liste grise du Gafi, dix-sept mois après son placement dans cette liste « des pays sous surveillance » du Groupe d’action financière.

En mai 2020, harmonisant sa liste avec celle des pays visés par le GAFI relative à la lutte du contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la Commission européenne avait à son tour retiré la Tunisie de sa blacklist. Une bonne nouvelle qui tombait alors à point nommé au lendemain du changement de pouvoir post élections, créant pourtant une dynamique d’optimisme.

 

Une visite aussi discrète qu’embarrassée

Mais voilà que cinq années plus tard, les autorités financières des deux rives de la méditerranée déchantent. Ainsi selon des sources bancaires confidentielles et des fonctionnaires de la CTAF, la délégation aurait exprimé de « sérieuses réserves » sur quatre chapitres essentiels : celui de l’effectivité du registre dit des « bénéficiaires », la surveillance des professions non financières (avocats, notaires, experts-comptables, etc.), la lenteur de l’application des sanctions ciblées des Nations unies ainsi que les latences dans l’accès aux informations financières.

Fait rare, la réunion de clôture s’est par conséquent terminée sans déclaration conjointe. Le chef de mission a toutefois averti qu’en l’absence de « corrections concrètes d’ici l’été », l’évaluation mutuelle prévue pour 2026 pourrait entraîner une nouvelle inscription de la Tunisie sur la liste « des juridictions sous surveillance renforcée », selon la même source. En clair, un retour à la case départ que l’on pensait révolu.

Un état des lieux documenté évoque plus en détail les principaux points soulevés. « La Tunisie sera soumise à une nouvelle évaluation mutuelle par le Groupe d’Action Financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord, avec une mission plénière prévue entre novembre 2026 et février 2027. La période « on-site » préliminaire n’est pas encore fixée, mais le pays figure déjà parmi les États en phase de préparation pour ce cycle.

Un communiqué du GAFI n’inclut plus la Tunisie parmi les juridictions sous surveillance renforcée, mais rappelle les pays comme la Tunisie qui doivent « démontrer des progrès durables » avant l’on-site final, ce qui sonne comme une dernière mise en demeure. La CTAF a publié le même jour une note d’information sur les réseaux sociaux, confirmant l’alerte et invitant les opérateurs à « renforcer le KYC » (Know Your Customer).

Ebruitée ce weelend, la visite d’avril 2025 du GAFI aura donc mis en lumière ce que l’organisme qualifie de « faiblesses structurelles qui pourraient compromettre le processus d’alignement total de la Tunisie aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ». Bien que des réformes législatives aient été adoptées et que la numérisation des registres soit en cours, Tunis doit maintenant prouver, avec des données concrètes d’ici la fin de l’année, sa capacité à appliquer effectivement les sanctions financières ciblées, à renforcer la surveillance des professions non financières et à garantir l’accès immédiat aux informations sur les bénéficiaires effectifs.

Le risque de réintégration sur la « liste grise » ne serait enfin pas imminent, mais demeure réel : le second semestre 2025 sera décisif pour éviter des répercussions sur la réputation financière du pays et sur sa capacité à attirer les investissements étrangers dans un contexte de baisse de prévisions de croissance.