Présidentielle en Libye : Une centaine de candidats dont deux femmes

 Présidentielle en Libye : Une centaine de candidats dont deux femmes

Basé dans la ville de Zintan, à la frontière tuniso-libyenne, Seif al-Islam Kadhafi a bravé le mandat d’arrêt national et international contre lui en parcourant des centaines de kilomètres pour déposer sa candidature dans le sud du pays où il jouit de l’appui de tribus libyennes

Au lendemain de la clôture du dépôt des candidatures, la Haute commission électorale (HNEC) libyenne a annoncé aujourd’hui mardi 23 novembre que pas moins de 98 candidats, dont seulement deux femmes, ont déposé leur dossier de candidature pour briguer le poste de président le mois prochain. Quelles sont les figures les plus importantes de cette floppée d’aspirants à la magistrature suprême ? Quelles chances ont-ils le cas échéant pour espérer bénéficier d’une large acceptation populaire ?

A la mi-journée, le chiffre que l’on savait extravagant tombe : Imad al-Sayeh, directeur de la HNEC, déclare finalement que « la plateforme d’inscription des candidats a reçu les dossiers de 98 candidats et candidates ayant rempli les conditions et fourni les documents requis pour l’élection du chef de l’État ». Ce n’est pas vraiment une surprise dans une démocratie en devenir. Si l’on compare ce nombre de candidats notamment à celui de la présidentielle anticipée de 2019 dans la Tunisie voisine certes quasiment deux fois plus peuplée, la Libye compte un candidat de plus que les 97 aspirants tunisiens à l’époque.

La même source (HNEC) précise toutefois lors d’une conférence de presse à Tripoli que « la liste définitive des candidats sera publiée sous 12 jours, une fois que les vérifications, recours et autres appels auront été complétés ». La HNEC a par ailleurs transmis les dossiers au Procureur général, la Direction des passeports et de la nationalité et aux renseignements généraux, pour s’assurer de la conformité des candidatures avec la loi électorale.

Quatre favoris

Plus de 2,83 millions de Libyens sur environ 7 millions d’habitants se sont inscrits pour voter. « Plus de 1,7 million d’électeurs ont déjà retiré leur carte », indique al-Sayeh.

Parmi les candidats les plus en vue, la figure de proue de l’ancien régime Seif al-Islam Kadhafi, fils du dictateur défunt Mouammar Kadhafi, le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle de fait l’est du pays ainsi qu’une partie du sud libyen, le puissant ex-ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, pro révolution de février 2011, mais aussi le chef du gouvernement intérimaire, Abdelhamid Dbeibah, dont la candidature controversée est fortement contestée par ceux qui en pointent « le caractère illégal ». Certains de ses adversaires évoquent en cela l’accord de principe qui avait eu lieu lorsque Dbeibah avait accepté de diriger le gouvernement de transition : ne pas se porter candidat, au risque de faire pré-campagne en utilisant les moyens de l’Etat.

Leila Ben Khalifa

Deux femmes candidates et des enjeux cruciaux pour la paix

Deux femmes uniquement se sont portées candidates, une désillusion en outre pour les chancelleries occidentales qui ont arbitré le processus menant à cette élection. Il s’agit de Leila Ben Khalifa, 46 ans, présidente et fondatrice du parti le Mouvement National, et Hounayda Al-Mahdi, une chercheuse en sciences sociales.

Prévue pour le 24 décembre prochain, l’issue de ce premier scrutin présidentiel au suffrage universel en Libye reste pour le moins incertaine, selon le spécialiste tunisien de la Libye Ghazi Moalla. « La stabilisation du pays dépendra de nombreux facteurs. Si Seif al-Islam Kadhafi, qui fait partie des 4 ou 5 candidats sérieux, l’emporte, il n’est pas du tout assuré de pouvoir ne serait-ce qu’entrer à Tripoli. Si le Maréchal Haftar remporte l’élection, il n’est pas non plus certain de remporter l’adhésion de l’ensemble des milices qui contrôlent encore des régions clés. Idem pour Dbeibah, qui pourrait rencontrer un rejet à l’est du pays. Tous ces scénarios menacent la paix civile, tout comme l’éventualité de la disqualification de l’un de ces candidats, qui pourrait mener à une nouvelle guerre civile », prévient-il.

Aux côtés du scrutin législatif qui doit quant à lui se tenir en janvier 2022, cette élection aboutissement d’un processus politique fastidieux sous l’égide l’ONU, est censée tourner la page d’une décennie de chaos depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011. La Libye pourra-t-elle pour autant mettre fin aux divisions et aux luttes fratricides entre camps rivaux ? Rien n’est moins sûr.

 

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Seif Soudani