La transition tunisienne a un cruel besoin de leadership

Le 14 janvier au soir, après le départ de Ben Ali, la Tunisie était à prendre. Il a fallu que l’un des adjoints de Sériati prenne l’initiative d’appeler le trio premier ministre et présidents des deux chambres, pour qu’il y ait un semblant de début de continuité constitutionnelle.

La suite fut à l’avenant. La nuit du 14 au 15 janvier fut épique de tergiversations, peurs, louvoiements. Aujourd’hui, on le sait et les langues commencent à se délier.

La première semaine de l’après Ben Ali fut de la même eau. Aucun leader digne de ce nom, aucun homme d’Etat, aucune communication, aucune capacité à s’adresser à l’opinion.

L’idée d’organiser un référendum populaire avec une feuille de route a été envisagée mais a été abandonnée. Dommage, un référendum aurait donné une légitimité populaire à un gouvernement d’union nationale qui aurait mené le pays vers les premières élections libres de son histoire.

L’équation de la Tunisie est pourtant simple à définir : la démocratie d’abord. Donc, quelle démocratie, quelle règle du jeu, quelles élections, comment garantir des élections libres, comment garantir le pays contre toute dictature à venir, de quelque obédience qu’elle puisse être…

La logique aurait voulu que les forces vives se réunissent et se mettent d’accord au sujet d’une feuille de route. C’est censé être l’objectif suprême dans le pays. La priorité des priorités. Le principal devant lequel doit s’effacer l’accessoire.

Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Manque de mâturité, ruse, politique politicienne, malhonnêteté, égoïsme, manque de patriotisme, persistance de forces relevant du RCD ou des anciennes mafias : pour toutes ces raisons, on a vu des conflits éclater  à propos de rien. Et on a vu la force la plus importante du pays, Ennahdha, quitter l’instance Ben Achour, pour différentes raisons qui ne relèvent pas de l’essentiel, mais de l’accessoire.

Notre pays, malheureusement, a besoin d’hommes (et de femmes) d’Etat. Dans le paysage politique actuel, il n’y en a pas beaucoup. Et s’il y en a, ils se cachent,  ou ils s’enferment dans leur mutisme.

Ce vendredi, différentes forces poussent à faire tomber un gouvernement qu’ils savent faible et peu légitime. Et qui a le mérite d’être un rempart contre l’anarchie et de faire tenir le pays debout.

Cette anarchie, qu’ils appellent de leurs vœux, ne va profiter qu’à Ennahdha et uniquement à elle.

La nature a horreur du vide. Nous allons bien voir si le gouvernement provisoire triomphera de cette énième épreuve, ce qui améliorera sa légitimité, ou bien s’il va tomber et avec lui les espoirs d’une transition réussie.

Ce qui se joue ce vendredi est significatif. Il y a une tentative de prise de pouvoir programmée. C’est un coup de force mené par des gens certes puissants aujourd’hui, mais qui furent les grands absents de la révolution tunisienne.

 

Soufia Limam

Soufia Limam