Fatima Al-Fihriya, fondatrice de l’université Al-Quaraouiyine

 Fatima Al-Fihriya, fondatrice de l’université Al-Quaraouiyine

Crédit photo : Sébastien Rabany/Photononstop/AFP


Cette femme savante et pieuse a fondé au IXe siècle, à Fès, la plus ancienne université au monde, dont le rayonnement spirituel et culturel a marqué le Moyen Age en Orient comme en Occident. Le prestige de ce joyau architectural et intellectuel a traversé les siècles.


Fatima Al-Fihriya naît en l’an 800 à Kairouan, en ­Tunisie, dans une famille aisée. Tout comme sa sœur Mariam, elle reçoit de son père, un riche marchand, une excellente éducation. La mort de la mère et de violentes émeutes qui éclatent dans leur ville conduisent ce dernier et ses filles à fuir l’insécurité pour s’exiler au Maroc, plus précisément à Fès, où s’étaient déjà ­réfugiées environ 800 familles, musulmanes et juives, venues d’Andalousie.


Fatima se marie, a deux enfants, d’où son surnom : Oum Al-Banîne (“la mère des deux fils”). A la mort de son père, puis de son époux, elle hérite d’une immense fortune. Vivant dans la dévotion et une extrême simplicité, elle veut consacrer sa richesse à une œuvre pieuse et décide de bâtir une mosquée. Elle achète, à proximité de son domicile, dans le quartier d’Al-Quaraouiyine, un terrain nu, appartenant à un homme originaire de Houara. Les fondations de la mosquée sont creusées le premier jour du mois de Ramadan, an 245 de l’Hégire (859 après J.-C.).


 


Elle jeûne durant toute la durée des travaux


La construction est autorisée par le sultan Yahia Ier, petit-fils de Moulay Idriss Al-Azhar. Fatima va jeûner tout le temps que dureront les travaux, à savoir des ­années. La construction de la Quaraouiyine achevée, la sainte femme se prosterne devant le mihrab pour rendre grâce à Dieu.


D’abord “masjid jamiî”, lieu spirituel pour érudits et théologiens, la Quaraouiyine devient le cœur de Fès, où se côtoient des savants de toutes religions et cultures, et contribue à créer une vie citadine raffinée, tandis que l’Europe chrétienne sombre dans l’obscurantisme avec l’Inquisition. C’est le plus prestigieux centre d’enseignement au monde. Sa bibliothèque est riche de plus de 3 000 ouvrages et manuscrits rares.


L’université accueille de grands esprits et des humanistes sans frontières, tels les précurseurs du soufisme Ibn Herzim, Abou Madyane et Abdessalam Ben Mchich, des poètes comme Ibn Al-Khatib, les philosophes Avempace, Averroès et Maïmonide, le géographe Al Idrissi, le grand voyageur Léon l’Africain, l’historien Ibn Khaldoun, et des mystiques du monde chrétien, dont le pape Grégoire, ainsi que Gerbert d’Aurillac, ­futur pape Sylvestre II.


Fès s’impose comme capitale spirituelle et intellectuelle et lieu de rencontres privilégié entre l’Islam et l’Occident. Fatima Al-Fihriya y meurt en 880, à l’âge de 80 ans. Nul ne sait où elle est enterrée, ni ne connaît sa descendance. Son œuvre, la Quaraouiyine, est reconnue par le Livre Guinness des records et l’Unesco comme l’université la plus ancienne au monde, bien avant ­Bologne, Oxford, Salamanque ou La Sorbonne. 

Fatema Chahid