#3 : La restauration à bout de souffle

 #3 : La restauration à bout de souffle


Crise des gilets jaunes au mois de décembre 2018, grèves un an plus tard et maintenant la crise du Coronavirus ! La restauration a été touchée de plein fouet par l'état d'urgence sanitaire et les mesures réclamés par le gouvernement français. Pour ce troisième volet, nous avons demandé à Abdelmajid Debbali, gérant à 28 ans du restaurant de spécialité thailandaise, Le Wok ThaI à Goussainville (95), ouvert il y a un an et employant 5 personnes. Il revient pour nous sur ce qu'il vit.


Vous venez d'ouvrir votre restaurant, il y a un an. Qu'est ce que vous avez vécu depuis l'ouverture ?


Le domaine de la restauration a connu énormément de crises depuis les 3 dernières années. Malgré tout, pour une première année, on a réussi à s'en sortir, jusqu'au coronavirus. Quand la France a commencé à être touché, il y a 3 semaines, cela a eu un impact très fort. On a connu une baisse du chiffre d'affaires de 40 à 50%. Quand la psychose a commencé et que les clients se sont rendus compte que c'était sérieux, l'activité a baissé d'un coup. Je pense aussi que le fait que nous soyons un restaurant thaï a joué également. Après les 1er cas, l'activité est quand même revenue petit à petit (avec une baisse quand même de 20 à 30% du chiffre d'affaires). Samedi quand le Premier Ministre a annoncé la fermeture des restaurants et bars, nous avons eu plusieurs personnes qui sont venus manger avant la fermeture et depuis nous sommes fermés. Dimanche, nous avons ouvert en livraison et à emporter mais le chiffre avait énormément baissé. 


Et depuis le début du confinement ?


Mes employés avaient un peu peur, ce que je peux comprendre. Du coup, nous avons pris la décision de fermer l'établissement jusqu'à la fin du confinement. J'ai arrêté même les livraisons car l'activité n'était pas suffisante pour que je puisse payer mes employés.


Comment avez vous géré techniquement la fermeture de votre établissement ?


Nous avons donné les perissables et fait des dons. Nous avons ensuite fait un gros ménage pour éviter toute contamination. Ensuite, nous avons eu à gérer le coté administratif pour bénéficier du décalage de l'Urssaf, pour le chomage technique, etc.. Encore aujourd'hui, nous n'avons pas encore fini cette partie là. Nous avons eu l'information que nous aurions des aides mais nous ne connaissons pas la forme. Il a fallu que l'on cherche nous mêmes. Heureusement, j'ai un très bon cabinet comptable qui m'a assisté du début à la fin. Je souhaite bien du courage à ceux qui sont indépendants et qui doivent gérer ces questions seul. Je me retrouve sans salaire mais c'est aussi une histoire de solidarité. Je ne veux pas gagner de l'argent et mettre en danger mes employés. Il faut savoir se sacrifier.


Pour une première année, la trésorerie a du en prendre un coup. Comment avez-vous fait ?


Heureusment, on a quelques facilités mais pour l'instant, ce n'est pas vraiment clair. Les charges sociales et fiscales ainsi que les salaires vont être payés par l'Etat mais nous n'avons pas eu l'information que nous devrions faire l'avance et nous faire rembourser. On ne sait pas quand ca interviendra. Niveau trésorerie, c'est très compliqué.


Le gouvernement risque d'annoncer un prolongement du confinement. Etes vous inquiet ?


Oui et non. Oui par rapport à notre trésorerie et à l'inquiétude qui en résulte et non car le gouvernement a été clair sur les initiatives qu'il prendrait pour y faire face. On ne va pas payer les charges, les factures d'électricité, d'eau, les loyers, etc.. Ca nous donne une marge de manoeuvre. Personnellement, je pense que le confinement est la meilleure solution contre la maladie et les symptômes qu'elle représente.


A titre personnel, comment vivez vous cette épreuve ?


Je n'ai pas à me déplacer pour les démarches administratives. Ils l'ont facilité avec des sites dédiés même si ceux-ci sont saturés. J'ai mis mon mail sur un site mais je n'ai toujours pas reçu le lien pour l'activation. Sinon à titre personnel, c'est du "repos". Au bout d'un an de restauration, je n'avais pas eu de temps pour moi. Je retrouve aussi ma famille à cause des horaires décalés. Je fais des courses régulièrement et je ne fais pas de courses si je n'en ai pas besoin. Les magasins devraient être complet. Je ne suis pas pour faire les courses de manière exagéré. Ca ne sert à rien d'être dans un bunker avec des mois de courses. Je ferais les courses au jour le jour.


Comment voyez vous les choses après le confinement ?


La fin du confinement va se faire petit à petit. Même quand cela s'arretera, les restaurants vont devoir mettre quelques jours avant de pouvoir se mettre à plein régime. Je ne sais pas comment cela va se passer. Même si les gens peuvent ressortir, ce n'est pas sûr qu'ils le feront tout de suite. On peut l'observer en Chine où ils ont encore peur d'un deuxième pic. Tout ne redeviendra pas normal rapidement. Ca va se faire progressivement et durer plus longtemps que prévu. Pour mon activité, il va falloir bosser beaucoup plus, refaire de la publicité. Vu que l'on sortira d'un état de panique, et que l'on verra le nombre de victimes, il va falloir du temps pour retomber sur nos pattes. Il va surtout falloir regagner leur confiance. Je reste optimiste.


 


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Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.