#6: « J’ai peur de ne pas tenir », Claude toxicomane depuis 30 ans

 #6: « J’ai peur de ne pas tenir », Claude toxicomane depuis 30 ans


Claude, la cinquantaine bien entamée, est toxicomane depuis plus de 30 ans. Il lui arrive de faire des « breaks » mais il revient toujours à ses addictions. Cet habitant d’un quartier populaire de Seine-Saint-Denis nous raconte son confinement.  


"Avant que le confinement soit décrété, je me suis ravitaillé, enfin, j’ai pris ce que je pouvais avec les moyens financiers dont je dispose mais comme je ne roule pas sur l’or, après une semaine, je n’ai plus rien. J’ai appelé mon fournisseur habituel qui m’a dit qu’il ne prenait plus de risque, qu’il y a trop de flics dans les rues. Et les autres dealers que je connais me disent la même chose. Alors, depuis hier, je bois du whisky. Ca me calme un peu. Mais au réveil, le manque est là.


"Ce matin (NDLR : mardi), j’ai pu parler au téléphone à ma toubib qui me suit depuis des années et elle m'a prescrit des cachetons. Je suis allé à la pharmacie. Mais ça ne remplacera jamais l’héroïne. Je suis un toxicomane. Depuis plus de 30 ans, je me drogue. Je touche à tout. Je ne sais pas comment je suis toujours vivant. Des tas d’amis sont morts. Soit d’overdose, soit du sida. Moi, ça va, je tiens le coup. Enfin, je ne préfère pas savoir dans quel état je suis alors je ne fais jamais de bilan de santé.


"J’ai dépassé la cinquantaine, je me drogue depuis mes 20 ans. J’ai commencé avec quelques joints, puis j’ai sniffé ma première ligne d’héroïne à 22 ans. Après, je suis passé très vite à l’injection avec la seringue. Dans les années 80, dans ma cité, tout le monde prenait de la drogue dure. On connaissait moins les risques. Pas comme maintenant.


"J’ai essayé d’arrêter des centaines de fois, fait des cures de désintoxication mais je retombe toujours dedans. Il aurait fallu que j’aille peut-être vivre ailleurs, enfin loin des quartiers. J’en sais rien. Parce qu’en vrai, j’aime la drogue. C’est puissant l’effet que ça me fait à l’intérieur.


"Ma vie aurait été différente sans doute : ma femme serait restée avec moi ou peut-être pas et j’aurais vu grandir ma fille. J'en sais rien. Aujourd’hui, elle est grande et je la vois de temps en temps. C’est mon bonheur cette fille, mon rayon de soleil.


"Je ne sais pas combien de temps ça va durer le confinement mais ça me fait peur. Quand tu te drogues, tu n'as pas peur de mourir. Non, j’ai juste peur d’être trop en manque, de ne pas tenir le confinement et de faire une connerie". 


>> Lire aussi : 


Parole de confinés #1 : Les consulats marocains sur le pied de guerre


Parole de confinés #2 : Bloquée au Maroc, une étudiante en médecine raconte


Parole de confinés #3 : La restauration à bout de souffle


Parole de confinés #4 : Messaouda, 84 ans : "Vendredi, j'ai rajouté une prière"


Parole de confinés #5 : Mokhtar : « Le handicap m’a appris à m’adapter à mon environnement »


Parole de confinés #7 : Le slameur Hocine Ben raconte

Nadir Dendoune