Polémique autour de la présence présumée d’avions russes en Tunisie

 Polémique autour de la présence présumée d’avions russes en Tunisie

Avion-cargo russe photographié lors d’une parade en Russie

L’ambassade de Tunisie en France a vivement nié hier les informations diffusées par la chaîne LCI, le jeudi 23 mai 2024, dans son programme « 24 heures Pujadas », qui spéculait sur la présence d’avions et de membres de la milice russe Wagner sur l’île de Djerba.

 

Rédigé dans un registre plutôt inhabituel en matière de langage diplomatique, le communiqué de l’ambassade s’indigne du fait que la chaîne française continuerait à « s’engager dans la désinformation en propageant des informations non vérifiées sur la Tunisie, sans consulter au préalable les sources officielles », ajoutant non sans virulence à l’égard de la chaîne que « la désinformation est un sport dans lequel certains excellent ».

 

La presse européenne s’empare de la question

La polémique fait suite à un article toujours en ligne titré « Des avions russes ont-ils atterri à l’aéroport de l’île tunisienne de Djerba ? » datant du 19 mai dans le journal italien La Repubblica. Même si le média est réputé pour sa ligne éditoriale progressiste de centre-gauche et par conséquent généralement critique de l’actuel pouvoir de Giorgia Meloni alliée du président Kais Saïed, l’article provoque un froid entre les deux pays.

Le texte du quotidien italien fait en effet état d’avions « militaires russes » ayant atterri « ces derniers jours » sur l’île située à environ 130 kilomètres de la frontière libyenne à des fins logistiques, ce qui aurait « poussé Washington à demander des explications » à Carthage. Si les autorités de Tunis étaient jusqu’à jeudi restées muettes sur le sujet, Moscou avait catégoriquement démenti dès lundi, qualifiant les informations de La Repubblica de « mensonges » et de « falsifications », notamment via le compte X de son ambassade en Libye :

Pour le spécialiste de la question libyenne et chercheur au think-tank Royal United Services Institute for Defence and Security Studies, Jalel Harchaoui, aucun personnel militaire en provenance de Russie n’est déployé sur le sol tunisien, mais « des avions russes se ravitaillent en revanche depuis des mois à Djerba » :

Malgré ces démentis, plusieurs médias français consacrent toutefois leurs pages à la controverse, dont l’Express qui titre en s’interrogeant également « Des avions russes en Tunisie ? Ce rapprochement avec Moscou qui inquiète les Occidentaux ».

 

Des sources d’embarras multiples

Les spéculations italiennes sont par ailleurs source de malaise à plusieurs titres. D’abord, dès 2015, les Etats-Unis ont accordé en grande pompe le statut d’« allié majeur non-membre de l’Otan » à la Tunisie alors sous présidence de feu Béji Caïed Essebsi. Un atlantisme affiché qui constitue un héritage complexe à gérer pour le très souverainiste chef d’Etat Kais Saïed qui a quant à lui entamé un virage décomplexé pour se ranger du côté de nations considérées comme plus autoritaires dont le voisin algérien. Des exercices militaires communs avec l’U.S. Africa Command continuent en outre d’avoir lieu dans le sud tunisien, se félicite ouvertement l’ambassade américaine à Tunis.

Ensuite le rapprochement de l’actuel pouvoir tunisien avec l’Italie de Meloni sur les questions migratoires et économiques ne vas pas sans son lot d’ambiguïtés géopolitiques et idéologiques, la dirigeante italienne ayant la particularité d’incarner un courant certes nationaliste mais profondément atlantiste et pro sioniste.

En témoigne entre autres prises de position pro ukrainiennes et pro israéliennes de l’Italie récemment la déclaration du 21 mai 2024 du ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani qui estime « inacceptable » que la CPI mette le Hamas et Israël sur le même plan. Une ligne qui oblige le pouvoir tunisien à jongler entre l’alignement avec Rome d’une part et le positionnement radicalement pro palestinien d’autre part.

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Seif Soudani