Résolution sur les massacres de Sétif : Olivier Le Cour Grandmaison dénonce une récupération politique de LFI

Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire, spécialiste de la colonisation française, dénonce une manœuvre opportuniste de LFI
Alors qu’une résolution sur les massacres du 8 mai 1945 en Algérie a été déposée à l’Assemblée nationale le 5 mai par le député LFI Idir Boumertit (et soutenu par 70 autres députés du même groupe), Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire, spécialiste de la colonisation française, dénonce une manœuvre opportuniste qui ignore des années de lutte collective pour la reconnaissance de ces crimes d’État.
Une proposition de résolution sur les massacres du 8 mai 1945 en Algérie a été déposée le 5 mai dernier par le député LFI Idir Boumertit. Comment accueillez-vous cette initiative ?
Olivier Le Cour Grandmaison : Mal. Non pas parce qu’il s’agirait d’un mauvais texte en soi – certains éléments sont évidemment nécessaires et bienvenus – mais parce qu’il a été élaboré de manière unilatérale, sans concertation aucune avec les premiers concernés ni avec les signataires de l’Appel unitaire lancé dès juin 2024.
Cette démarche, que je qualifierais de sectaire, invisibilise des années de mobilisation, des collectifs militants, des universitaires et des élus de tous horizons qui travaillent depuis longtemps sur cette mémoire coloniale.
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Vous accusez le député Boumertit de récupération politique ?
Oui, de récupération et même de plagiat. Cette résolution reprend mot pour mot certains éléments de langage de notre appel unitaire, lancé publiquement et relayé largement, notamment par Mediapart en février 2025.
Il est difficile de croire que M. Boumertit, député du Rhône, ait pu « ignorer » l’existence de ce texte, alors que l’un de ses collègues directs, Abdelkader Lahmar, en est signataire. Par ailleurs, je lui ai moi-même adressé cet appel, comme à d’autres élus LFI, sans jamais recevoir de réponse.
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Vous évoquez un travail collectif antérieur. Pouvez-vous en dire plus ?
Depuis 2015, avec l‘association Les Oranges, un travail patient et rigoureux a été mené pour faire reconnaître ces massacres comme des crimes d’État. En 2024, un appel unitaire a été relancé. Il a rassemblé des personnalités de toutes les familles politiques de gauche, ainsi que des chercheurs, des maires, des militants associatifs.
Un groupe de travail pluraliste, initié par la députée Danielle Simonnet, a organisé plusieurs réunions à l’Assemblée nationale. Un colloque s’est tenu le 8 février dernier. À chaque étape, les députés LFI ont été absents. Et soudain, à quelques jours de la commémoration du 8 mai, une résolution tombe, isolée, signée par 70 élus LFI. C’est une faute politique.
Que reprochez-vous exactement à cette méthode ?
D’agir sans les collectifs, sans les initiateurs, sans les premiers concernés. Ce qui devait être une cause partagée devient une opération partisane. À un moment où l’extrême droite réhabilite l’idéologie coloniale, où les héritiers de l’immigration sont stigmatisés comme « ennemis intérieurs », nous avons besoin d’unité. Ce genre de stratégie divise. Et affaiblit les luttes. Ce que nous disons, c’est simple : ce qui se fait sans nous se fait contre nous.
Et maintenant, que proposez-vous ?
Que cette proposition de résolution soit reprise, retravaillée, ouverte. Qu’elle soit discutée avec toutes les forces du Nouveau Front Populaire. Qu’elle intègre les apports du travail collectif engagé depuis des mois. C’est la seule façon de rendre justice à cette mémoire. Et de construire une reconnaissance digne de ce nom, à la hauteur de ce qu’exige la vérité historique.