Marathon : le girl power

 Marathon : le girl power

crédit photo : Aso/Aurélien Vialatte – Archives personnelles


Les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’inscrire au départ de cette course de 42,195 km. Quelles sont leurs motivations ? Plusieurs participantes à la légendaire épreuve parisienne témoignent. 


Des cadres supérieures, des maîtresses d’école et des femmes au foyer. Des célibataires et des mères de famille nombreuse. Elles habitent en France, ou viennent de l’autre côté de la mer (Maroc, Tunisie, Egypte) voire même du bout du monde (Pérou ou Indonésie). Il n’y a pas de portrait type de la marathonienne. Certaines en ont déjà couru une dizaine, d’autres en sont à leur ­premier. Et toutes n’ont pas forcément un physique ­athlétique. Il y en a qui courent alors qu’on leur a diagnostiqué une pathologie pour se prouver qu’elles sont fortes. Et puis celles qui ont décidé de relever le défi sur un coup de tête. Les motivations sont diverses.


“Je le fais pour la fierté que je vais en tirer et pour me ­venger d’une trahison”, explique Safâa, 39 ans, parisienne et chef de projet informatique. “En 2015, je faisais un ­footing dans un parc avec une amie, c’était le jour du ­Marathon de Paris ! Nous avions accompagné les participants sur quelques kilomètres, puis nous nous sommes dit : ‘Pourquoi pas nous ?’ Et l’année suivante, j’apprends qu’elle l’a fait sans moi !”, raconte-t-elle. Alya, ingénieure en année sabbatique, a décidé de se confronter pour la troisième fois à la distance reine pour d’autres raisons. “Me prouver qu’à 50 ans, je suis encore capable de mener un ­projet jusqu’au bout et être disciplinée. La compétition contribue à augmenter l’estime de soi”, poursuit cette Franco-Tunisienne. Egalement parisienne, Karine, enseignante, 41 ans, cours le marathon afin de “prouver qu’on peut ne pas avoir un ­physique de compétitrice et être une battante. C’est aussi une revanche sur la vie, qui a failli me voler l’être que j’aime au Bataclan. Je cours pour me sentir vivante.”


Mais on ne se lance pas un tel défi sans préparation : au moins huit semaines pour ceux qui ont l’habitude d’avoir une activité physique (et jusqu’à 16 semaines pour d’autres). Cette phase, qui dure donc des mois, implique souvent quatre à cinq séances par semaine. Quand on a un travail à plein temps, des enfants, caser des sessions de “running” pèse vite sur le planning. ­Meriam, 29 ans, responsable marketing à Tunis, se réveillait à 4 h 30 les jours où elle courait mais “s’en veut secrètement de ne pas passer assez de temps avec son fils de 2 ans.” Pour Alya, le plus difficile, a été de composer avec “la météo particulièrement difficile de cet hiver.” Outre les intempéries et les maux typiques de la saison (grippe ou angine), pour Safâa, le plus dur a été de prendre conscience “que je n’ai plus la forme physique ! En surpoids, à l’aube de mes 40 ans, sédentaire, j’ai découvert que j’avais un début d’arthrose, et la rotule qui ne tient plus en place ! L’ego en a pris un coup !”


 


Une course maïeutique


Certaines comparent les semaines d’entraînement à la grossesse et le jour de la course à l’accouchement ! D’où l’importance d’être soutenu par son entourage. Pourtant, certaines restent discrètes. “J’ai mis du temps à en parler à mon conjoint. Je craignais qu’il me reproche d’être moins présente à la maison”, avoue Nadia, 36 ans, qui n’a pas estimé utile d’en informer ses parents pour éviter de les inquiéter inutilement. “Mon mari, également marathonien, me soutient et me conseille. Il est admiratif. Les enfants aussi me soutiennent et me taquinent. Nous leur avons toujours inculqué le goût du travail et l’importance de l’effort”, poursuit Alya dont le meilleur chrono sur ces 42,195 kilomètres est 3 h 59. Autre son de cloche pour Safâa. “Pour beaucoup je suis une folle, mais ça fait partie de mon caractère. Chaque année je réalise un projet que les autres qualifient de fou ! Dans ma famille, on me demande si je suis payée pour m’infliger une telle souffrance. Elle a même croisé des hommes qui lui ont dit : ‘Mais t’as pas le corps pour faire un marathon !’ ou encore : ‘Tu vas probablement le commencer, mais tu ne pourras jamais le terminer !’… Ceux-là, je les remercie, ils ont décuplé mon envie de réussir.” Imane, 31 ans, conseillère clientèle, ­raconte avoir été encouragée par ses proches. “Mes ­parents sont fiers, mais ma mère m’a tout de même dit : ‘Tu ne veux pas arrêter de courir et faire des enfants ?’ ”


 


“C’est combien de kilomètres pour les femmes ?”


Conscients qu’un soutien extérieur, qui peut parfois faire défaut, est vital pour réussir l’entraînement, les ­organisateurs du Marathon de Paris ont créé sur Facebook un groupe baptisé Paris Marathon Girls (PMG) où plus de 3 000 femmes de tous les âges (la doyenne, ­Martine Couderc, a 68 ans, ndlr) et des quatre coins de la ­planète ont échangé sur leurs doutes, états d’âme, blessures, etc. Un lieu virtuel où chacune a pu puiser énergie et motivation et où l’on parlait de tout, y compris du harcèlement que peut subir une femme qui court seule dans la rue. Les PMG rapportaient, non sans humour, les interrogations déplacées ou cocasses auxquelles elles devaient faire face comme : “Un marathon, c’est combien de kilomètres pour une femme ?”


A Paris, les femmes ne représentaient cette année que 26 % des inscrits. Ce faible pourcentage serait-il lié au fait que le parcours est réputé difficile en raison de ses nombreux tunnels ? Au Maghreb, le taux de participation féminine est encore plus bas. A Tunis, elles étaient moins de 5 % lors de la dernière édition du marathon et 17 % à Marrakech. Dans les grandes villes anglo-saxonnes, ce chiffre avoisine les 45 %. Pourtant, les coureuses sont moins nombreuses que les hommes à abandonner lors des compétitions. Comprendre qu’elles se blessent moins et sont moins sujettes aux malaises graves car selon plusieurs études, elles géreraient mieux leurs efforts que leurs homologues masculins.


Il y a quelques semaines, une femme, Kathrine Switzer, a fait la une des journaux alors qu’elle participait au marathon de Boston. La raison ? C’est elle qui fut la première femme à courir l’épreuve ! C’était en 1967, toujours à Boston. Le marathon était alors interdit aux femmes mais l’Américaine avait bravé la loi. L’image du directeur de l’épreuve de l’époque qui tente de l’évincer de la course est devenue tout un symbole pour les femmes d’aujourd’hui. Ce n’est qu’à partir de 1972 que le marathon est devenu mixte 

Fadwa Miadi