Tunisie. 14 janvier 2023, une date à haut risque de débordements

 Tunisie. 14 janvier 2023, une date à haut risque de débordements

Abolie unilatéralement par le président de la République Kais Saïed, la date de commémoration de la révolution tunisienne est cette année l’occasion, samedi, pour la plupart des forces d’opposition, de réhabiliter cet anniversaire via des manifestations réclamant le départ du chef de l’Etat.

 

Fraîchement élu secrétaire général du parti de centre-gauche Attayar, Nabil Hajji demande aux Tunisiens d’occuper à nouveau la rue le 14 janvier

La classe politique a beau être en état de guerre totale judiciaire, à la fois fratricide et contre le pouvoir en place, elle compte resserrer ses rangs le temps d’une journée symbolique. Car le tarissement de la vie politique auquel est parvenu en 18 mois le régime Kais Saïed a des effets secondaires qui vont au-delà de l’assèchement ponctuel. Exclus de la vie politique, partis et figures publiques se livrent une guerre de succession en vue de l’après Saïed, qui passe par la case justice mais aussi par la rue, n’ayant plus grand-chose à perdre.

 

Une convergence des forces politiques inédite depuis 2021

L’Union populaire républicaine (UPR) de l’ancien candidat à la présidentielle, Lotfi Mraihi, avait ouvert le bal en appelant ses partisans à « soutenir tous les mouvements pacifiques qui seront observés le 14 janvier courant, Avenue de la Révolution, pour défendre les valeurs de la démocratie et protester contre l’autocratie en cours dans le pays ».

Plus grande coalition d’opposition chapeautée par l’opposant historique Ahmed Nejib Chebbi et comptant dans ses rangs d’anciens d’Ennahdha et de la coalition Karama, le Front du Salut national compte également manifester pour exiger la destitution du président Saïed, le retour à la voie constitutionnelle, et l’annulation du second tour des élections législatives.

Le parti destourien libre (PDL) a pour sa part indiqué aujourd’hui jeudi 12 janvier avoir reçu un appel téléphonique de la part du district de sécurité de Carthage, l’informant que « le gouverneur de Tunis, Kamel Fekih, refuse de lui accorder le droit de manifester à Carthage », aux abords du palais présidentiel.

Suite à l’annonce du parti de diriger sa marche, programmée le 14 janvier 2023, vers le Palais de Carthage, le parti de Abir Moussi dénonce, dans un communiqué, « l’abus de pouvoir et l’autoritarisme qu’exerce le gouverneur de Tunis », ainsi que l’entrave de ses activités par les autorités publiques « qui entravent de façon récurrente ses marches et ses mouvements protestataires ».

Le parti nostalgique du bénalisme se dit « attaché à son droit d’exercer son activité et d’organiser ses manifestations en toute liberté, ainsi que l’attachement de ses militants à exprimer, d’une manière pacifique et organisée, leur colère face à la détérioration de la situation économique, financière, sociale et politique, et à la protestation légitime contre la  violation des droits civils et politiques du peuple tunisien, et sa privation de prendre son destin en main et de choisir ses représentants à travers des élections libres, conformes aux standards internationaux. »

Parallèlement à cela, la formation de Moussi a lancé un appel urgent au haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme pour « activer les conventions internationales en matière de préservation des droits et libertés, et de lutte contre la discrimination ». Il dit se réserver le droit à l’escalade, dans le cadre de la loi, en vue de contrer la politique visant son exclusion et l’atteinte à la dignité de ses dirigeants.

Craignant visiblement cette journée de samedi, des figures médiatiques proches du pouvoir Saïdiste, telles que le jeune polémiste Riadh Jrad, ont mis en garde hier soir mercredi les Tunisiens contre « les tentatives de faire de leurs enfants de la chair à canons pour les islamistes », laissant entendre que la justice préparerait un vaste coup de filet à l’aube du 14 janvier.

Seif Soudani