Tunisie. Les autorités judiciaires démentent des actes de torture présumés sur un détenu

 Tunisie. Les autorités judiciaires démentent des actes de torture présumés sur un détenu

Une vive polémique agite le milieu judiciaire en Tunisie après que l’avocate d’un jeune détenu de 19 ans à Bizerte, Rayan Khalfi, ait publié sur les réseaux sociaux vendredi soir 2 mai montrant un dos tuméfié par des traces de violences présumées.

Avocats, ONGs et opinion publique s’interrogent collectivement aujourd’hui sur la véracité au retour des pratiques de torture dans le pays. Maître Rihab Ben Abda Smaali a en effet fait part d’un témoignage détaillé relatant sa visite à la prison civile de Bizerte. Elle y décrit l’état effarant de son jeune client, détenu depuis trois semaines pour détention de stupéfiants en vue d’une consommation. Les images montrent des marques de coups sur le dos et autres hématomes sur tout le corps. La juriste affirme avoir déposé plainte et saisi la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) ainsi que L’Organisation contre la torture en Tunisie.

 

Démenti formel du département de tutelle

Mais qui croire ? Signe que la chose est suffisamment prise au sérieux, le ministère de la Justice a démenti, hier dimanche 4 mai, ces informations massivement relayées sur les réseaux, affirmant que toute personne impliquée dans la diffusion de ces rumeurs sera poursuivie en justice. Ainsi dans un communiqué, le ministère précise que le Parquet près le tribunal de première instance de Bizerte a convoqué dès vendredi le détenu en question pour vérifier les allégations de torture. « Ce dernier a été examiné, minutieusement, par un représentant du ministère public, qui a conclu à l’absence de toute trace de violence sur son corps », peut-on y lire.

De son côté, l’Inspection générale des prisons et de la rééducation aurait à son tour aussitôt mené une enquête. Elle dit avoir auditionné les parties concernées et n’a pu établir de preuve formelle de mauvais traitement infligé au détenu, selon la même source. Le 3 mai, un juge d’instruction, et un représentant du ministère public se sont rendus à la prison pour examiner le détenu concerné pour entreprendre les procédures prévues par la loi.

Le ministère précise par ailleurs que la photo diffusée sur les réseaux sociaux « n’est pas celle du détenu en question. La photo date, en effet, de 2017 et a été prise dans un autre pays », le Yemen selon des internautes.

 

L’Ordre national des avocats maintient ses accusations

Quoi qu’il en soit, l’Ordre national des avocats de Tunisie a réagi dimanche au communiqué du ministère de la Justice concernant cette affaire, estimant que Me Smaali a agi dans le strict respect des règles de droit. « Elle a signalé les faits auprès du parquet sans altérer les données, ni diffuser d’images falsifiées. Son action s’inscrivait, souligne le Conseil, dans le cadre de ses obligations légales et de sa conscience professionnelle, à partir des éléments rapportés par le détenu et sa famille, ainsi que de ses propres constats lors d’une visite en prison ».

Le barreau s’étonne en outre que le ministère affirme qu’aucune trace de violence n’a été constatée sur le corps du détenu, « alors même qu’aucun examen médical n’a été ordonné ». Le Conseil pointe le fait que des éléments d’une enquête encore en cours ont été rendus publics, sans que la défense ait été entendue, et avant la fin des investigations. « Cette divulgation anticipée viole les règles de la procédure pénale, le droit à la défense et le principe de la confidentialité de l’instruction ».

L’Ordre exprime par conséquent son soutien total à l’avocate en charge de l’affaire, saluant son engagement en faveur des droits de l’Homme et d’un procès équitable.