Tunisie. Vers un nouveau report du Sommet de la Francophonie à Djerba ?

 Tunisie. Vers un nouveau report du Sommet de la Francophonie à Djerba ?

L’oreille attentive de Macron aux doléances de Trudeau peut-elle avoir raison du Sommet de Djerba ?

Nous l’évoquions dès la fin juillet : aligné sur la position de fermeté du grand voisin américain relative à la situation politique en Tunisie, le Canada conserve de surcroît ses propres spécificités, s’agissant de la promotion de certaines valeurs universelles que le pays de Justin Trudeau semble prendre très au sérieux.

Mardi 2 août, plusieurs médias canadiens se penchent sur la question, notamment La Presse où l’on peut lire, sans détour, que « Le Canada fait discrètement campagne pour reporter de nouveau le Sommet de la Francophonie, qui doit avoir lieu en novembre en Tunisie, en raison de la situation politique dans ce pays ».

Ainsi l’enquête menée par cette source révèle que le Premier ministre Trudeau tente, en personne, depuis quelques semaines de convaincre ses alliés, dont la France, qu’un nouveau report de ce sommet, qui devait déjà avoir lieu l’automne dernier, s’impose. « Trudeau a évoqué cette possibilité en privé avec le président français Emmanuel Macron lors du dernier Sommet du G7, en juin, en Allemagne », soit bien avant que la situation ne s’envenime davantage encore avec les résultats du référendum présidentiel le 25 juillet en Tunisie.

 

Tout n’est pas joué

A peine 48 heures après la publication de ces propos dans la presse canadienne, abondamment relayés en Tunisie, l’ambassade du Canada en Tunisie a quelque peu tempéré les choses en annonçant sur ses réseaux sociaux, certes en langage diplomatique, « la poursuite d’échanges constructifs avec Mme Chrystiane Roy, directrice de la Francophonie et du Commonwealth au ministère des affaires étrangères du Canada ».

Selon ces canaux officiels, ce qui serait en examen est non pas « la tenue » en elle-même mais « la réussite » du Sommet de la Francophonie prévu à Djerba en novembre 2022, ainsi que la participation du Canada aux différents événements parallèles prévus à l’occasion du Sommet.

A quelques semaines de l’entrée en phase finale des préparatifs, au moment où des témoins nous rapportent que des travaux sont toujours en cours, côté autorités tunisiennes, la confusion règne chez les riverains pour qui la tenue de pareil évènement est naturellement synonyme de redynamisation d’une saison touristique jusqu’ici tout juste correcte.

Alors « qui croire ? La presse, Trudeau ou l’ambassade ? », s’interrogent-ils. Les plus sceptiques avancent que derrière ces tractations d’usage, le Canada serait en passe au minimum de boycotter l’évènement en signe de protestation.

 

Un nouveau report synonyme d’annulation

Soyons clairs, si le premier report pouvait encore bénéficier de l’excuse sanitaire commode des répercussions persistantes de l’épidémie de Covid-19, un second report serait quant à lui synonyme d’une annulation pure et simple de l’évènement, au profit de Paris en guise de destination de secours pour la tenue de ce symboliquement important 50ème anniversaire de la Francophonie.

Si l’administration canadienne, sous l’égide du très progressiste Justin Trudeau, ne transige pas quant à la corrélation entre Francophonie et valeurs démocratiques telles que mentionnées dans la déclaration de Bamako, l’Elysée de Macron serait-il finalement le chainon décisionnaire le plus conciliant et pragmatique ?

Depuis le coup de force qui a permis la captation de tous les pouvoirs par le président Kais Saïed, la diplomatie française s’est gardée de toute position tranchée, se contentant la plupart du temps de relayer des communiqués européens à ce sujet.

Serait-on face au même exercice d’équilibrisme que celui qui a fait garder à Macron, banquier d’affaires dans l’âme, une ligne directe avec Poutine envers et contre tous en Occident, toutes proportions gardées ? Nous le saurons dans les tous prochains jours, à n’en pas douter décisifs pour le sort de cette grande messe internationale, dont le maintien équivaut de facto sinon à une caution du régime Saïed, du moins à une reconnaissance tacite.

Seif Soudani