Edito – Lourdes : Macron en pèlerin VIP

 Edito – Lourdes : Macron en pèlerin VIP

Sanctuaire de Lourdes – MATTHIEU RONDEL / AFP

Emmanuel Macron en déplacement à Lourdes, simple souci de redonner espoir à une région sinistrée frappée d’une double peine pour cause de Covid ou étape incontournable dans une campagne électorale qui ne dit pas son nom ?

 

D’autant plus que c’est la première fois que la Mecque des Chrétiens va accueillir la visite officielle d’un président de la VIème République et, ce à un moment où le sanctuaire marial s’apprête à recevoir un million de personnes seulement sur les 3 millions et demi de pèlerins habituels de l’année, et les 3 000 malades contre 30 000, hébergés dans le sanctuaire en saison haute.

Il ne faut pas trop espérer que l’arrivée d’Emmanuel Macron va booster le pèlerinage diocésain de St-Dié. Le président aura beau chanter l’Ave Maria devant la grotte et se plier aux rites, ce n’est pas ça qui redonnera forcément de l’animation et fera revenir les touristes spirituels à la basilique du Rosaire.

Il reste alors l’aspect politico-religieux de la démarche ; et là, il y a vraiment à boire et à manger. Le sanctuaire de Lourdes est un élément clé dans la religiosité populaire. Il est donc normal pour le chef d’Etat de chercher à faire amende honorable auprès des intéressés. En effet, Macron a malmené la susceptibilité des croyants, en faisant un deux poids deux mesures dans le fait d’interdire les messes, au moment où d’autres rassemblements moins nécessaires étaient encore autorisés. Sans oublier les positions clairement affichées dans le camp des « bouffeurs de curés », que ce soit sur la question du mariage pour tous ou encore les textes de loi votés bafouant les valeurs de l’église.

En réalité, Macron ne fait que prendre le train en marche, car l’Église elle-même s’est faite rationaliste, avec une ouverture au monde qui s’apparente à un abandon progressif de ses principes de base, proclamant ainsi le salut de tous les hommes et non plus celui des seuls fidèles, renonçant aussi à toute forme de sacré qui sort du monde. Une fin du sacré coïncide avec la perte du sens du sacré, quel qu’il soit. Ce sacré qui donnait du sens au quotidien des petites gens avec la grandeur de la famille sous l’autorité d’un père.

C’est donc faire un mauvais procès à Macron que de lui faire endosser une partie de la responsabilité d’avoir capitulé qui incombe en fait aux milieux religieux. Ceci dit, que disent les gestes, paroles et sorties de Macron sur son rapport à la transcendance ?

Les personnalités que nous avons eu à fréquenter et qui ont approché le chef de l’Etat, depuis l’époque où il venait de mettre les pieds dans le ministère de l’Economie, s’accordent à reconnaître que dans la philosophie du personnage, le spirituel n’est jamais loin.

Une sorte de mysticisme qui ne peut être expliqué par ce baptême à l’âge de 12 ans mais plutôt par une démarche personnelle d’interrogations réelles sur la question de Dieu. Sa bienveillance à l’endroit des croyants fait qu’il n’hésite pas à citer Jaurès : « Il serait mortel de comprimer les aspirations religieuses de l’âme humaine ».

Après, on pourrait bien se poser la question pourquoi un tel personnage qui entretient un rapport profond avec la quête de sens et clame son respect des grands monothéismes se fait embarquer dans une loi sur le séparatisme qui vise, sans l’avouer à stigmatiser les musulmans français, au nom des principes de la République.

En réalité, entre Macron le pêcheur impénitent et Macron le prêcheur, le fil ne tient souvent à pas grand-chose ; et souvent la spiritualité, aux yeux de Macron, ne saurait être une quête. Plutôt une évidence.

 

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Abdellatif El Azizi