G.Darmanin : « On ne confond pas une minorité avec l’immense majorité des musulmans de France qui aime la République »

 G.Darmanin : « On ne confond pas une minorité avec l’immense majorité des musulmans de France qui aime la République »

Capture d’écran @LCI

Invité du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro dimanche 12 décembre, le Ministre de l’Intérieur s’est exprimé sur les discours et propositions des différents candidats à la présidentielle, sur les accomplissements réalisés par le Président de la République et son gouvernement durant ce quinquennat, ou encore sur les menaces terroristes, qu’elles soient issues des groupuscules islamistes ou de l’ultra-droite. Gérald Darmanin a également été questionné sur l’islam de France, la théorie du grand remplacement, les actes anti-religieux… Il en ressort du discours tenu par le Ministre de la mesure, et un refus d’aller sur le terrain de la politique politicienne. 

Nous énumérons ci-dessous les principales déclarations de Gérald Darmanin lors de l’émission Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro.

Sur Valérie Pécresse :

  • « Je respecte Valérie Pécresse, mais on voit bien qu’elle ne fait pas l’unanimité, bien évidemment, chez les électeurs de droite. C’est une candidate de droite très conservatrice. C’est peut-être une bonne candidate pour Versailles, je ne crois pas que ce soit une bonne candidate pour Tourcoing […] Je suis pour une droite plus populaire, plus séguéniste ».
  • « Je crois que Madame Pécresse est une femme qui sait très bien que ce que fait le Président de la République est une bonne chose. Mais elle est prise en otage par les radicaux de sa famille politique, comme par exemple Monsieur Ciotti, qui est pour le Guantanamo à la française. C’est difficile de faire plus radical ».
  • « Quand elle propose un délit proportionnel en peine par rapport au territoire, elle dit que dans certains territoires, on devrait aggraver le délit par rapport au même fait, et dans d’autres, avoir moins de condamnations pénales. D’abord, tout le monde sait que c’est complètement contraire à la constitution. La loi s’applique partout sur le territoire national. Et comme Mme Pécresse est conseillère d’Etat et que c’est une femme très intelligente, évidemment qu’elle le fait pour parler à son aile radicale. Cela s’appelle de la démagogie, parce qu’elle ne pourra jamais mettre en place cette mesure qui n’a aucune chance d’exister en démocratie, et qui est d’ailleurs très injuste ».
  • « Il y a beaucoup de choses que nous faisons et que Valérie Pécresse évoque déjà dans son programme. Elle dit qu’il faut pénaliser les consommateurs de cannabis ? Cela tombe bien, on l’a fait depuis plus d’un an et demi : il y a eu 122.000 amendes qui ont été mises. Il faut donner des moyens supplémentaires dans les forces de l’ordre ? Cela tombe bien, le Président de la République a créé 10.000 postes de policiers et de gendarmes, et 2/3 du parc automobile, par exemple, a été changé en un quinquennat. Il faut augmenter le budget de la justice ? Cela tombe bien, il a augmenté de 30 % en 5 ans : il n’y a jamais eu une telle augmentation. Et on veut aller plus loin, puisqu’on veut cinq ans de plus pour Emmanuel Macron, donc on va évidemment progresser dans nos actions. Il faut augmenter les places de prison ? On en a construit 7.000 dans le quinquennat. Sur la politique anti-ghettos ? Il n’y a jamais eu autant d’argent pour casser les ghettos. Elle veut pénaliser le port du voile forcé ? Il y a déjà une incrimination pénale ».
  • « La différence du Président Macron avec les autres candidats, et singulièrement avec Mme Pécresse, c’est que le Président veut rassembler les Français, Mme Pécresse veut rassembler son parti ».
  • « En attendant les élections, je prends tous les adversaires évidemment pour des gens personnellement sérieux. Je regrette que le débat porté par la portion congrue de la droite, qui est désormais les LR, se soit mis plutôt du côté de Mr Ciotti, de Mr Zemmour, que du côté de Mr Séguin ».

Sur Éric Zemmour :  

  • « Je ne fais pas de procès ad hominem de Mr Zemmour. Je pense qu’il a choisi un filon où il a vu que ça fonctionnait, un filon d’être excessif ».
  • « La vidéo de candidature de Mr Zemmour est essentialiste. Elle est le contraire de la République française. Quand il parle dans sa voix-off, il ne parle pas d’idéologie, mais de personnes. Il les montre dans le métro, dans les files des préfectures comme il dit, à la Mairie… Des personnes qui ne sont pas de la couleur de peau telle qu’il aurait envie de la voir. Et le grand remplacement, on sait très bien que c’est une théorie d’extrême-droite qui a été inventé par Monsieur Camus, qui vise à penser qu’il y a un problème démographique où, grosso modo, les noirs et les Arabes remplacent les blancs. C’est exactement ce que pense Eric Zemmour, en tout cas, je ne sais pas si il le pense dans son intérieur, mais ex-voto ».
  • « Quand vous commencez à dire que les musulmans nous remplacent et qu’ils vont prendre nos femmes, nos enfants, nos emplois et nos maisons, vous n’apaisez pas la société ».
  • « On n’a pas besoin d’expliquer tous les matins que l’intégralité d’une communauté ou d’une religion est contre la République, parce que si vous faites ça, vous poussez les millions de musulmans français, qui vivent pour la République, qui aiment la France, dont les parents sont peut-être morts pour la France…dans les bras des islamistes. Et c’est le contraire de ce qu’il faut faire ». 
  • « Chérif Mécheri a été le premier préfet arabo-musulman de la République, et était collaborateur de Jean Moulin. Il a refusé de collaborer avec Vichy. Il avait un prénom arabo-musulman. Est-ce que ça en faisait un mauvais républicain ? Non. Il y a eu plein de gens avec des prénoms bien français, comme dirait Éric Zemmour, et qui ont collaboré. Je me fous de savoir quelle est la religion des personnes. Dans un État laïc, qu’on soit musulman, juif, catholique, protestant, bouddhiste, qu’on ait pas de religion, qu’on ait envie d’en changer, qu’on en change, c’est votre vie personnelle. Je n’en ai rien à faire. Je suis heureux, fier, et je me bats pour une République et pour une France qui ne distinguent pas ses enfants selon leur lieu de naissance, leur origine, leur couleur de peau, leur prénom, et leur religion. Je souhaite savoir s’ils veulent ou pas être Français, s’ils veulent ou pas aimer la République ».
  • « Il y a beaucoup de fleurs qui poussent dans le béton. Et moi ce qui m’agace un peu dans le discours désormais d’une certaine droite, ce n’est pas de reprendre le discours qu’avait Nicolas Sarkozy, de récompense méritocratique, de repères dans les quartiers, de gens qui montent des entreprises, s’engagent dans le service public… Il y en a plein d’ailleurs des fonctionnaires qui viennent de ces quartiers. Il faut qu’on les aide, qu’on les encourage. J’ai plutôt l’impression qu’aujourd’hui, le débat c’est surtout sur les prénoms et la stigmatisation de ces personnes… ».

Sur l’islam de France :

  • « J’ai quelque chose d’important à dire, nous allons travailler à une nouvelle organisation de l’islam de France. D’abord, il y a eu plus de 300 réunions depuis six mois avec les préfets de départements, pour réunir des assises territoriales de l’islam, avec tous ceux qui veulent travailler pour la République. Fin janvier, le Président pourra réunir la centaine de nouveaux représentants de cet islam de France, parmi lesquels il y aura des femmes, des laïcs, des gens de la société civile, soit très différent de ce qui existait jusqu’auparavant (l’islam consulaire, soit l’islam de l’étranger). Il n’y aura plus d’imam détaché. Nous allons faire une réunion à l’allemande, un forum de l’islam de France, mais ceux qui sont des ennemis de la République ne seront pas invités. Évidemment, nous devons assimiler le culte, pour qu’il soit un culte national. Les musulmans ont tout à fait le droit de prier dans la République, mais pas commandés par des États étrangers ».
  • « Sur 2.623 lieux de culte musulman, 99 mosquées ont été soupçonnées de séparatisme, 21 ont été fermées, et 6 sont en ce moment en cours d’instruction pour leur fermeture. Il n’y a pas d’équivalent dans l’histoire de la République. Nous avons aussi constaté que 36 de ces mosquées avaient accepté les demandes de la République, soit de partir de telle fédération, soit de se séparer de l’imam que nous considérions dangereux, soit d’arrêter des financements étrangers, et donc nous les avons retirées de cette liste. Au moment où je vous parle, il y a eu 1/3 de moins de mosquées soupçonnées de radicalisation, en 6 mois, depuis que la loi sur les séparatismes a été votée et promulguée. Il en reste donc une soixantaine. Nous nous confondons évidement pas la partie minoritaire des lieux de culte qui sont radicalisés, que nous devons fermer ou remettre dans le droit chemin, avec l’immense majorité des musulmans de France qui aiment la République et qui ne posent aucun problème ». 

Sur la menace terroriste :

  • « Il faut savoir que 37 attentats ont été déjoués depuis 2017. Cela montre que l’arsenal que nous avons mis en place pour prévenir les attentats terroristes fonctionnent : les lois antiterroristes qu’on a fait voter, les moyens très importants qu’on a donnés à la DGSI, le doublement, en cinq ans, du budget de la DGSI par le Président de la République… Il a mis 1.900 personnes de plus dans nos services secrets intérieurs pour prévenir les attentats ».
  • « Sur les 37 attentats déjoués, 9 sont issus de l’ultra-droite. Cette menace terroriste d’ultra-droite est en augmentation dans notre pays parce qu’il y a ce qu’on appelle les accélérationnistes et les survivalistes, des gens qui pensent qu’il faut provoquer la guerre civile. Moi je crois que ce danger de guerre civile, c’est un danger qui est fondé sur la religion, si jamais comme dans tous les moments difficiles de l’histoire de France, nous exportons trop les questions religieuses dans le domaine public. Et je pense que les discours plus raisonnables que portent par exemple le Président de la République, nous empêche d’imaginer cette guerre civile. Mais en effet, si par malheur, les prophètes de la division entre les Français venaient à prendre de plus en plus de place dans le débat public, et finalement être élus, je pense qu’il y a un risque ».
  • « J’ai engagé la procédure de dissolution du groupement de fait, les « Zouaves », qui est un groupe de personnes qui vient soit du GUD (NDLR : Groupe union défense), soit de l’Action française, c’est-à-dire des mouvements d’ultra-droite bien connus. Nous sommes dans une République qui accepte évidemment les éléments de l’État de droit. Si le contradictoire nous donne raison, si nous pensons que nous avons raison, nous irons dissoudre ce mouvement de fait en Conseil des ministres, et le Conseil d’Etat, je l’espère, nous donnera une nouvelle fois raison. Nous l’avons fait pour l’ultra-droite, c’était le cas de Génération identitaire, et nous l’avons fait de façon extrêmement forte contre les groupuscules islamistes ».
  • « Les actes anti-religieux malheureusement augmentent. Et ils sont proportionnés entre les actes anti-chrétiens, les actes anti-musulmans et les actes anti-juifs ».

À travers ce débat, Gérald Darmanin a pu dévoiler sa conception de la République universelle, tout en évitant de tomber dans la polémique stérile.

>> Lire aussi : « Le séparatisme islamiste, manifeste pour la laïcité » de Gérald Darmanin

Malika El Kettani