« Le séparatisme islamiste, manifeste pour la laïcité » de Gérald Darmanin

 « Le séparatisme islamiste, manifeste pour la laïcité » de Gérald Darmanin

« Le séparatisme islamiste, manifeste pour la laïcité » de Gérald Darmanin, paru le 3 février 2021

Le projet de loi sur le « séparatisme islamiste », devenu projet de loi « confortant le respect des principes de la République » a été adopté le 16 février 2021 à l’Assemblée nationale, et doit être soumis au Sénat en mars prochain. Porté par le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ce projet de loi a fait l’objet de débats houleux et n’a pas fini d’ébranler une partie de la population française, le qualifiant de « raciste » et le jugeant stigmatisant. C’est dans ce cadre que le ministre a rédigé « Le séparatisme islamiste, manifeste pour la laïcité », livre ayant pour but d’expliquer à la population la raison de cette loi, qui se veut une réponse face aux dérives de l’islamisme, « principal ennemi de la République ». Nous nous sommes proposés de faire un résumé de cet argumentaire de moins d’une centaine de pages, paru le 3 février 2021.

« L’État, trop longtemps concentré contre la radicalisation qui mène au terrorisme, a tardé à voir l’islamisme, menant au séparatisme, comme un danger imminent. Le changement profond de notre politique tient dans la dénonciation claire, le suivi rigoureux et les moyens d’entrave imposés désormais non seulement à la radicalisation mais aussi au séparatisme. Nous soutenons qu’il n’y a pas une différence de nature entre le terrorisme et l’islamisme, mais une différence de degré ».

« Le long et continu combat de l’État pour imposer le gallicanisme »

Le premier chapitre du livre de Gérald Darmanin revient sur la notion de laïcité telle qu’elle existe aujourd’hui en France, laïcité qui a résulté d’un long et rude combat entre l’Eglise et l’État, le pape et l’empereur. Avec le siècle des Lumières, qui a affirmé la notion de citoyen au lieu de sujet, avec pour corollaire que le pouvoir est un contrat social et non une transcendance, la France est arrivée à la séparation totale du religieux et du politique.

Les fondations définitives de la laïcité française furent posées avec la loi 1905 initiée par Aristide Briand. Cette « laïcité est concomitante à un État fort, la garantie d’une paix civile, et la liberté pour tous ».

« La laïcité : un principe éminemment français »

Le deuxième chapitre, consacré à la laïcité française, explique que celle-ci repose sur trois pierres angulaires : le principe de neutralité de l’État, de la liberté de conscience, et le respect du pluralisme religieux, tant qu’il ne porte pas atteinte à l’ordre publique. « Aucune politique publique ne doit être mise en place dans la perspective de donner des droits individuels à tel ou tel groupe de croyants, en dehors de la règle générale », car la République est fondée sur la notion de citoyenneté, qui constitue la Nation, et non de communautés diverses, souligne le Ministre.

>> Lire aussi : Darmanin déclare que le terme “séparatisme” sera remplacé par “laïcité”

« L’islam, religion nouvelle, mais vieille connaissance française » 

Le troisième chapitre aborde l’islam en tant que religion nouvelle en France, mais vieille connaissance, en ce que la France a côtoyé bon nombre de fois les populations musulmanes.

Pour Gérald Darmanin, l’islam de France fait écho à l’histoire de l’islam dans le monde. « Même si lors des premiers siècles de l’islam un mouvement de pensée musulmane fondée sur la Raison a émergé, cette difficulté d’interprétation moderne de textes anciens constitue encore aujourd’hui un défi pour les penseurs du fait islamique […] La confrontation récente avec l’Occident moderne a engendré une réaction plus rigoriste souhaitant revenir à la stricte tradition de l’islam sunnite, comme par réaction ». 

Le Ministre de l’Intérieur revient alors sur les deux courants islamistes qui se sont nés  au sein du monde musulman, à savoir les Frères musulmans et les salafistes, tout deux prêchant un retour extrémiste aux sources. « Historiquement, ces mouvements sont nés d’une réaction face à la domination occidentale et au déclin relatif du monde musulman au XVIIIème siècle ». Selon Gérald Darmanin, ces deux courants s’inscrivent dans une opposition aux valeurs « décadentes » de l’Occident, mais aussi dans une opposition aux régimes post-coloniaux en déclin. Le Ministre souligne que ces deux mouvements sont à l’origine du séparatisme en France. 

>> Lire aussi : Séparatisme : texte achevé et nouvelles mesures révélées 

Gérald Darmanin évoque également les problématiques structurelles de l’islam. Selon lui, les musulmans n’ayant pas de clergé, se réfèrent à eux-mêmes pour interpréter des textes sacrés, difficiles, rendant les interprétations adaptées au contexte moderne compliquées. Pour M. Darmanin, ceci est d’autant plus difficile que cette religion est omniprésente dans la vie quotidienne des individus, qui doivent respecter une éthique de vie rigoureuse, pour faire partie d’une Oumma, communauté de croyants. 

Estimée entre 3.3 et 5.1 millions de musulmans vivant en France, dont un million de pratiquants, et 100.000 convertis, fréquentant 2.600 mosquées, le Ministre émet l’idée que la population musulmane peut se retrouver sous l’emprise des deux courants fondamentalistes, d’autant plus que l’islam en France souffre de problèmes structurels, à savoir : 

  • L’omniprésence de pays étrangers (Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie), qui interviennent dans son fonctionnement à travers l’envoi de imams, ou « ministre » de culte, par le financement de lieux de culte allant jusqu’à intervenir dans la composition du Conseil français du culte musulman. L’islam de France n’est pas libre de s’émanciper par rapport à l’étranger
  • N’ayant pas de clergé, les responsables religieux musulmans ont des difficultés à former leurs cadres ou à les sanctionner. Un parcours théologique moderne absent constitue un handicap quant à la capacité de l’islam à s’adapter à la société française moderne
  • Les absences d’autonomie financière, d’unité, d’organisation, ont des répercussions négatives sur les rapports avec les pouvoirs locaux ou nationaux. Il n’y a pas de collectif viable pour porter la voix des fidèles
  • Infiltré par les islamistes (salafistes et Frères musulmans), l’islam en France n’est perçu qu’à travers ces courants fondamentalistes, minoritaires, mais qui réussissent à « capter le quasi-monopole de l’expression musulmane », et qui prennent en otage les musulmans et la société avec eux. « Cette confiscation de la parole par les acteurs intégristes conduit ainsi à une polarisation des débats sur des sujets clivants ». 

>> Lire aussi : Une tribune qui dénonce le séparatisme de la loi “séparatisme”

« L’islamisme n’est pas l’islam »

« L’islamisme recouvre plusieurs courants de pensée qui, tous, refusent de distinguer l’islam comme religion, l’islam comme culture et l’islam comme idéologie, et qui prétendent imposer à la société des hommes des normes religieuses dans tous les champs de la société ». Dans un quatrième chapitre, Gérald Darmanin se propose d’expliquer ce qu’est l’islamisme.

L’éducation des islamistes (« frériste et salafiste, soldanesque et militante »), se manifeste sur toutes les facettes de la vie sociale, se rendant indispensable par leur solidarité et aide essentielle. Selon le Ministre, leur attractivité est d’autant plus importante face à l’échec de l’intégration des populations immigrées, caricaturées en sociétés opprimées, avec un discours victimaire qui s’appuie sur une persécution d’un prétendu État islamophobe. Pour Gérald Darmanin, les deux courants intégristes souhaitent aboutir à une séparation, par des normes de comportements rigoristes, du reste de la société, à un rejet des institutions, et un repli sur soi. Les dirigeants islamistes refusent la laïcité, qui est vue comme un moyen de combattre la religion. Internet, réseaux sociaux, chaînes d’information numériques leur permet de porter leurs discours à un grand nombre destiné à homogénéiser la Oumma. 

Outre le séparatisme, Gérald Darmanin souligne que cet entrisme a des répercussions sur les institutions françaises, comme en témoignent les dernières élections municipales, où des listes d’élus ont dû faire face à des revendications communautaristes pour être acceptés.

>> Lire aussi : “Séparatisme” : un débat plutôt calme à l’Assemblée nationale

« Lutter contre le séparatisme islamiste »

« Face à un ennemi si dangereux et si insidieux, dont on sait qu’il est bien loin de la religion du Prophète, il est normal que les pouvoirs publics prennent des mesures sans précédent ».

Le dernier chapitre de l’opuscule présente le projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». Pour Gérald Darmanin, lutter contre le séparatisme est une priorité en France, car les conséquences sur la société sont énormes. « L’islamisme est un cheval de Troie renfermant une bombe à fragmentation dans notre société ». Ensuite, la population musulmane dans son ensemble, rejetée et stigmatisée aujourd’hui par des extrémistes français, risque de l’être par l’ensemble de la population plus tard. Face à ces deux risques majeurs, il s’agit de réinventer une République fraternelle. Le projet de loi place la laïcité en son coeur : 

  • Les agents du service public et entreprises privées affiliées se doivent d’être neutres dans leur expression religieuse (plus de menus communautaires, prières sur lieu de travail, refus de contact avec les femmes, etc)
  • Mise en place de mécanismes de « carence » pour mettre fin aux risques, lors d’élections, que des listes complaisantes au communautarisme soient présentes. Toute personne présentant des mesures de programmes contraires aux principes de laïcité sera exclue
  • Les agents publics doivent appliquer les principes de la laïcité sur le terrain, sans « pression séparatiste » (faire pression dans un hôpital pour demander à se faire soigner par un médecin selon son sexe pourra être passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende)
  • Accélération des réponses des peines pénales prévues pour les internautes qui appellent à la haine ou le terrorisme, ou font preuve de cyber-harcèlement 
  • Les associations qui reflètent les esprits séparatistes doivent être dissoutes
  • Plusieurs dispositions sont prévues au niveau du droit des associations, dont le conditionnement de financement public, à la signature d’un contrat d’engagement républicain devant respecter les valeurs de la République (Liberté, Egalité, Fraternité et respect de la dignité de la personne humaine, à savoir l’égalité homme-femme, lutte contre la polygamie, mariage forcée, certificat de virginité)
  • Concernant les questions éducatives, des dispositions dans le code de l’éducation permettront un meilleur encadrement des établissements hors-contrats, et une interdiction plus effective des écoles clandestines car « c’est par l’école que les islamistes cherchent à détruire notre société de liberté et abattre notre système politique démocratique »
  • Enfin, le texte porte sur un renforcement sans précédent de la loi 1905, qui est plus normative que la loi 1901 (police de culte, etc) dont ont recours 92% des associations cultuelles musulmanes, mais qui les privent des financements publics. En contrepartie, le projet de loi met à jour les conditions de constitution et le régime des déclarations des associations. Une clause anti-putsch y est introduite. La loi 1901 sera rénovée pour exiger une transparence fiscale et comptable permettant d’identifier les sources de financement, d’origines étrangères, ainsi que d’inciter les associations s’y référant à basculer vers la loi 1905

>> Lire aussi : Loi contre le séparatisme : Colère des militants communistes face à l’abstention de certains de leurs députés 

Le Ministre de l’Intérieur mentionne que d’autres travaux ne relevant pas du domaine de la loi destinés à mettre fin aux ingérences étrangères ont été retenus, comme la fin du système de détachement des imams. Les instances musulmanes en France devront sélectionner eux-mêmes leur cadre religieux et les former académiquement et en cohérence aux réalités françaises. 

Face au développement du séparatisme islamiste, Gérald Darmanin évoque deux attitudes en France : expulser tous les musulmans de France (celle des extrémistes français, « les idiots utiles des islamistes » ), ou nier le problème et parler de xénophobie d’Etat (celle des « complices des islamistes »). Une troisième voie est possible pour le ministre : réimposer la laïcité de la France et en renforcer l’esprit républicain, tout en renforçant la politique d’intégration. 

>> Lire aussi : Gérald Darmanin demande la réouverture de la mosquée de Pantin

Malika El Kettani