Tunisie. La journaliste Khouloud Mabrouk maintenue en liberté après 9 heures d’interrogatoire

 Tunisie. La journaliste Khouloud Mabrouk maintenue en liberté après 9 heures d’interrogatoire

La journaliste et animatrice de l’émission « 90 minutes » diffusée sur la radio privée IFM, Khouloud Mabrouk, a quitté la caserne de l’Aouina, tard dans la nuit de mercredi à jeudi 25 avril 2024, à l’issue de près de neuf heures d’interrogatoire. 

Soulagement à la sortie de la jeune femme, accueillie par sa famille et ses proches. Pour ses avocats, il s’agissait clairement à travers ces longues heures de « torture mentale » d’une tentative supplémentaire d’intimidation pour le reste des médias tentés d’exercer librement leur travail. Khouloud Mabrouk fut convoquée le même jour en vue d’une comparution immédiate devant la brigade spéciale de la Garde nationale de l’Aouina. Le représentant légal de la radio, Hamed Soyah, a aussi été convoqué.

 

Une procédure illégitime et disproportionnée

Qu’est-ce qui a bien pu valoir à la journaliste un tel acharnement des autorités judiciaires ? La veille, elle avait consacré mardi une partie de l’émission phare de la radio à un entretien vidéo exclusif avec l’ancien ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières Mabrouk Kourchid, en fuite depuis peu à l’étranger, dans un lieu encore inconnu.

Or, un journaliste n’a ni à révéler ses sources, ni n’est complice de ses interviewés, ni n’est un « indic’ » qui doit se substituer aux policiers et à leur travail. « Même Oussama Ben Laden avait pu être interviewé sans causer pareil remue-ménage ! », ironisent-on aujourd’hui au sujet de la criminalisation de notre métier.

L’ex ministre qui a également récemment cofondé le parti politique « la bannière nationale » avait dès lundi annoncé sur les réseaux sociaux que le parquet a ouvert une instruction contre sa famille, en l’occurrence son épouse et son fils convoqués pour être auditionnés, accusés d’avoir dissimulé le lieu où il se trouve. Lui-même avocat, Mabrouk Korchid dénonce ainsi une violation des lois tunisiennes et des procédures en vigueur :

« Les juristes savent pertinemment que la famille ne peut être poursuivie. Il s’agit d’une dangereuse jurisprudence qu’aucun régime n’avait commise auparavant », a-t-il dénoncé à propos de ce précédent. Korchid a confirmé par ailleurs qu’il avait bien quitté le pays : « quand il a désespéré d’obtenir justice équitable comme tant d’autres personnes et que l’incarcération est devenue la règle ». Il a assuré qu’il retournera en Tunisie lorsque l’injustice aura pris fin et que justice pourra être obtenue.

« Arrêtez de harceler ma famille et ne l’impliquez pas dans le conflit politique. Rendez à mes fils leurs ordinateurs où se trouvent leurs données scolaires. Rendez à ma femme les dix mille dinars qui ont été saisis chez nous et qui étaient alloués à leurs frais d’étude et de subsistance. Rendez leurs téléphones portables », a-t-il plaidé en direct avant-hier à l’antenne de l’émission.  

>> Lire aussi : Tunisie. L’homme d’affaires Marouane Mabrouk placé en garde à vue

 

Victime collatérale de l’affaire Marouane Mabrouk ?

Fin mars, l’ancien ministre avait confirmé l’existence d’un mandat de recherche émis à son encontre par le juge d’instruction auprès du pôle judiciaire économique et financier. Cependant Korchid avait indiqué qu’il a été notifié de cette décision via les réseaux sociaux, affirmant qu’il se présentera devant le juge d’instruction muni de différentes preuves pour se défendre.

Le magistrat avait émis ce mandat sur fond d’implication présumée dans une affaire relative aux irrégularités juridiques et aux soupçons de corruption dans le processus de levée du gel des biens de l’homme d’affaires Marouane Mabrouk ainsi que de la suppression de son nom de la liste des personnes faisant l’objet de mesures préventives.

L’animatrice Khouloud Mabrouk (sans lien de parenté avec l’homme d’affaires) sera à nouveau auditionnée ce soir, cette fois au sujet de l’affaire de complot présumé contre la sûreté de l’Etat dont elle a traité avec d’autres invités sur le même plateau.

Seif Soudani