Siben N’ser, le roi du sushi

 Siben N’ser, le roi du sushi

crédit photo : Stéphane de Bourgies


Il n’avait que 20 ans lorsqu’il a fondé Planet Sushi. En 1998, l’enseigne devient leader de la restauration japonaise. Elle compte aujourd’hui 70 restaurants en France et à l’étranger. Récit d’une success story dont le concept de “Japan fusion food” séduit autant que la persévérance de son fondateur. 


A 40 ans, Siben N’Ser est un patron nouvelle géné­ration iconoclaste, du genre “hyperactif décontracté”. Il passe encore ses journées au siège de son entreprise, en banlieue parisienne, à superviser, réfléchir, innover, avec son staff de trentenaires, sorte de garde rapprochée dont il ne se sépare jamais. Depuis la création de Planet Sushi, il y a vingt ans, le jeune entrepreneur plein d’ambition est devenu le numéro 2 du marché, et il a, comme il le concède avec une humilité maîtrisée, “plutôt bien réussi dans le business”. La maturité aidant, il revendique aujourd’hui la qualité plutôt que la quantité, et souhaite “prendre le temps de bien faire les choses”.


 


Un hommage à Planet Hollywood


Car ce quadra, d’origine marocaine, a l’entrepreneuriat chevillé au corps. Son modèle inspirant, c’est celui de sa mère, laquelle avait déjà ouvert plusieurs salons d’esthétique lorsqu’elle décida de se lancer dans le commerce de l’huile d’olive. Siben N’Ser le confie, “c’est dans mes gènes. Petit, déjà, je me voyais dans les affaires”. Sa trajectoire de dirigeant est d’autant plus méritoire qu’il a fait son entrée dans le monde impitoyable des affaires et du marketing sans études préalables, à la fin des années 1990, une époque où les jeunes entrepreneurs étaient tous déterminés à devenir de grands ­manitous du business. “A 18 ans, je me suis lancé sur le marché de la téléphonie mobile, qui était en train d’exploser. Au bout d’un an, j’ai tout arrêté. Je m’ennuyais. J’avais ­envie de relever des défis plus grands et d’être précurseur de quelque chose”, explique-t-il.


Et qui cherche, trouve. Le créneau porteur, ce sera ­celui des sushis. “En France, le poisson cru, personne n’en mangeait. Et tout le système de la vente à emporter et de la livraison était complètement à revoir. Mon vrai modèle, pour son côté grande chaîne internationale, c’était Planet Hollywood. Le choix du nom de mon enseigne est une sorte d’hommage.” Ainsi est née Planet Sushi, avec au départ l’association d’un ami et l’apport de 15 000 euros chacun en fonds propres, pour l’ouverture du premier ­restaurant dans le XVIe arrondissement de Paris.


Les débuts sont très prometteurs. L’enseigne enregistre dès la première année 3 millions de francs (500 000 euros) de chiffre d’affaires. De quoi booster les ambitions… Mais, ironie du sort, la même année, au même endroit, naît l’autre futur leader de la restauration nippone, Sushi Shop, avec sa tête Grégory Marciano, le frère ennemi que Siben N’Ser connaît depuis des années. “On a eu la même idée au même moment, mais si on se dispute la place, on se respecte”, ajoute-t-il, forcément fairplay.


Peu à peu, malgré la concurrence, ses restaurants se développent. A Paris, en province puis à l’étranger, comme à Monaco, Miami Beach et dernièrement Bruxelles. Mais aussi, et surtout, au Maroc, à Casablanca et à ­Marrakech. Des sushis et des ramens (soupes) au Maghreb ? Siben N’Ser y a cru dès le début : “Les ­Marocains sont très ouverts. Ils adorent l’idée de voyage à travers les saveurs.” Sa prochaine cible ? Le ­Qatar, mais il veut prendre le temps d’asseoir sa marque. “Je ne suis plus pressé. Les choses se font toujours en temps voulu, c’est aussi ça le secret de la longévité de Planet Sushi.”


 


90 millions de chiffre d’affaires en 2017


Il faut dire qu’avec ses 70 établissements, dont 42 franchisés, 3 500 salariés et 90 millions de chiffre d’affaires en 2017 (dont 60 % en livraison), le PDG, sans être revenu de tout, est tout de même un peu rompu à l’exercice. Son atout majeur, c’est l’ouverture réussie de son enseigne à la franchise (lire p. 45). Il a su prendre ce risque en pleine explosion de la crise financière, début 2009, une période paradoxalement faste pour Planet Sushi. L’engouement pour la franchise fut tel que les demandes d’ouverture de restaurants ont alors ­afflué. “Pourtant, je n’y croyais pas vraiment, précise Siben N’Ser. Des exemples, il y en avait peu en France. Et puis comme j’ai beaucoup de mal à déléguer, je craignais qu’on entache le nom de Planet Sushi avec des problèmes récurrents ­d’hygiène, ou de sécurité…” Mais il l’a fait. ­


Aujourd’hui, son enseigne affiche plus de 40 unités franchisées. Ses équipes les supervisent dans les moindres détails : comptes, communication, digitalisation… En près de dix ans, là où de nombreuses franchises de la restauration rapide ont dû mettre la clé sous la porte, le seul raté de Planet Sushi a été le restaurant du Havre, qui a depuis fermé. “On ne signe jamais de franchise à la va-vite. Cela demande un temps d’étude et d’analyse. Le franchisé reçoit d’abord une formation de douze semaines dans tous les domaines : cuisine, ­finance, livraison… Chez nous, c’est devenu une expertise.”


A ceux qui estiment que Siben N’Ser a eu beaucoup de chance dans les affaires, il répond qu’il a pris des risques, qu’il a eu du flair et qu’il a, lui aussi, connu des difficultés. La tempête du plan de sauvegarde qu’a connu le groupe en 2013, a été un point d’étape important pour démontrer ses compétences et sa capacité à mener sa barque. Après avoir racheté ses parts aux actionnaires qui détenaient 50,8 % du capital, il est redevenu à 100 % propriétaire de sa marque. Une indépendance retrouvée qu’il tient à conserver coûte que coûte.


 


Cap sur la “phygitalisation”


Homme de son temps, Siben N’Ser mise aujourd’hui sur ce qu’il appelle “l’évolution naturelle de son entreprise vers la ‘phygitalisation’”. Une formule savante, contraction de physique et digital, pour signifier la ­fusion d’une boutique avec pignon sur rue et la vente en ligne. Pour célébrer son 20e anniversaire, la marque vient de s’offrir un nouveau logo et une baseline résolument “plus nippone et tendance”. Mais, désormais, ce qui stimule l’homme d’affaires aguerri, c’est son prochain défi. Il revient tout juste de Tokyo avec en tête un nouveau concept, lequel verra le jour au premier ­semestre 2018, “aussi révolutionnaire que Planet Sushi il y a vingt ans”, promet-il impatient. Il n’y a pas que les sushis qui font recette… 


MAGAZINE FEVRIER 2018


LA SUITE DE LA SERIE ECONOMIE : LA NOUVELLE RESTAURATION


Laurent Hirgorom : « La franchise, c’est un métier »


Théodore Timboussaint (Hal’rezo) : « Le halal est en pleine expansion »

Alexandra Martin