L’alpiniste algérien Nessim Hachaichi a (presque) gravi l’Everest

Nessim Hachaichi – Capture d’écran YouTube
A 60 mètres près… Depuis quelques jours, une vague d’enthousiasme déferle sur les réseaux sociaux et les médias algériens : Nessim Hachaichi, 36 ans, aurait atteint le sommet de l’Everest. L’annonce a été reprise en boucle, saluée comme un « exploit national », une « première historique ». Mais derrière cette euphorie collective, je ressens le besoin de mettre les choses à plat. Car les faits, eux, sont têtus.
Je connais bien cette montagne. En 2008, j’ai eu l’honneur – et la douleur – d’atteindre le sommet de l’Everest. Ce n’était pas l’ère des réseaux sociaux. Il n’y avait ni caméra embarquée, ni vidéos virales. Mais il y avait déjà la rigueur, l’effort, l’humilité face à une montagne qui ne pardonne rien.
Depuis, je suis avec attention et bienveillance celles et ceux qui s’élancent vers les sommets. Quand l’alpiniste tunisien Tahar Manai a dompté l’Everest en mai 2016, j’ai écrit sur lui. J’ai soutenu Inoxtag dans son projet dernièrement. Car la haute montagne, au-delà de la performance, est une aventure humaine. Chaque pas vers le ciel mérite le respect. Mais dans le cas de Nessim Hachaichi, le récit ne colle pas.
Très vite après son annonce, des médias algériens et franco-maghrébins ont relayé qu’il avait atteint le sommet. Aucune vérification. Aucune prudence. Une légèreté journalistique inquiétante.
Je m’apprêtais à écrire sur son exploit. Comme pour chaque article que je publie, je m’appuie sur des éléments vérifiables, des sources fiables et des témoignages directs. J’ai alors consulté les listes officielles de cette saison. Son nom n’y est pas. J’ai contacté un ami, organisateur chevronné d’expéditions himalayennes. Sa réponse a été sans ambiguïté : Nessim n’a pas atteint le sommet.
Il s’est arrêté au ressaut Hillary. À 8 790 mètres. C’est énorme. C’est vertigineux. Mais ce n’est pas le sommet. Ce n’est pas 8 848 mètres. 8K Expeditions, la société qui a organisé son ascension, l’a confirmé. Lakpa Sherpa, son guide, a même déclaré au site en ligne Everest Chronicle qu’il avait dû rebrousser chemin à cause de la météo.
Et pourtant, dans ses publications, Nessim continue d’affirmer qu’il a hissé le drapeau algérien sur « le plus haut sommet du monde ». Dans sa vidéo, il brandit ce drapeau, certes. Mais aucun repère visuel du sommet n’est visible. Pas de panneau. Pas de fanions. Pas de marques habituelles. Et d’autres experts, comme Yogendra Tamang de Peak 15 Adventure, confirment que les images ne viennent pas du sommet.
Je ne remets pas en cause son courage. Ni son expérience. Nessim a gravi le Lhotse, le Mera Peak, le Kilimandjaro, et d’autres encore. Il est montagnard, et il le mérite. Mais justement : pourquoi enjoliver l’histoire ? Pourquoi franchir cette ligne ? Dire qu’on a atteint 8 790 mètres, c’est déjà impressionnant. Pourquoi prétendre avoir touché le ciel quand on s’en est approché d’aussi près ?
La vérité n’enlève rien à l’effort. Je suis surtout en colère contre le fait que des médias reprennent cette information sans vérification, sans rigueur, sans retenue. L’Everest n’est pas une simple photo Instagram. Il y a des règles. Des preuves. Des procédures. L’ignorer, c’est désinformer. Et c’est trahir la mission même du journalisme.
Je le dis sans animosité, mais avec fermeté : ce n’est pas parce que l’on touche presque le sommet qu’on peut s’en attribuer la gloire.