De l’électricité marocaine pour les Européens

Le Maghreb et l’Europe sont appelés à développer leur collaboration en matière de production électrique à partir des ressources solaires. Plusieurs initiatives ont été annoncées récemment.

Voilà plusieurs années que Desertec, un consortium allemand, fait parler de lui. L’idée de départ est – il faut le reconnaître – plus qu’ambitieuse. Il s’agit d’installer des fermes solaires composées de milliers de panneaux dans les zones les plus ensoleillées du Maghreb, notamment le Sahara, y produire de l’électricité et l’exporter vers l’Europe, grosse consommatrice d’énergie.

Le projet est séduisant et présente de nombreux avantages : des ressources en plus pour les pays producteurs, pas de pollution, le développement d’une filière de production d’énergie et de matériel solaire créatrice d’emplois. En outre, l’espace utilisé pour les panneaux n’empiète pas sur les surfaces agricoles car ils sont installés dans des zones arides difficilement valorisables.

Le Maroc a lui-même des ambitions bien précises en matière d’énergie propre. Le pays est aujourd’hui très dépendant du pétrole pour produire son électricité. Mais il s’est doté d’un Plan solaire avec des objectifs chiffrés : en 2020, 42% de l’électricité produite au Maroc sera d’origine solaire, éolienne ou hydraulique. Cela permettra d’économiser en combustibles un million de tonne équivalent pétrole et d’éviter l’émission de 3,7 millions de tonnes de CO2. Le plan solaire marocain prévoit de doter le pays d’une capacité de production de 2GW à l’horizon 2019.

Ces chiffres sont à rapprocher des objectifs européens en la matière : l’Union table sur une proportion de 17% de son électricité d’origine solaire en 2050. L’importation depuis le sud de la Méditerranée est une des solutions pour y arriver.

Plus largement, l’UE veut développer la coopération avec le sud autour de projets d’énergie propre. Le plan solaire méditerranéen doté d’une enveloppe de 7,5 milliards d’euros de prêts pourrait participer au développement des énergies propres. Le Vieux continent souhaite aussi développer l’interconnexion des réseaux électriques autour de la Méditerranée sous l’égide de Medgrid mais aussi la coopération industrielle avec la création d’un Institut euro-méditerranéen de technologie (Emitec) à Tunis.

Aujourd’hui, en dépit de l’agitation politique que connaît le Maghreb et des difficultés économiques de l’Europe, l’idée semble se concrétiser. Le premier projet de centrale solaire, installé près de Ouarzazate, d’une capacité de 500 MW, devrait être opérationnel à partir de 2015. L’appel d’offres a été lancé et nécessite environ 2,3 milliards d’euros d’investissement. A l’automne prochain, la France et le Maroc lanceront la première expérimentation d’électricité solaire du sud vers le nord de la Méditerranée.

Reste que les embûches existent pour parvenir à ces objectifs. Les financements, l’entente entre pays riverains de la Grande bleue, la capacité de l’Europe à acheter une électricité aujourd’hui plus chère sont autant de questions qui restent à régler.

Cyril Bonnel