Elle publie «Fille des frontières» Fatéma Hal : itinéraire d’une femme libre

Considérée comme l’une des plus talentueuses interprètes de la gastronomie marocaine, Fatéma Hal prend la plume pour raconter son destin peu commun : celui d’une femme indépendante.

Fatéma Hal est sûrement l’un des plus célèbres chefs marocains de la capitale française. Son restaurant, le Mansouria, ouvert il y a près de 30 ans, est une adresse réputée. Fatéma Hal est aussi connue comme auteur de livres de cuisine sur la gastronomie marocaine, avec une dizaine de titres à son actif.

Mais ce qu’on connaît moins, c’est sa vie. Cette femme a un destin hors du commun. Et elle a choisi de le raconter aujourd’hui, après une carrière bien remplie. Celle qui se considère comme une « fille des frontières » – le titre de son récit – raconte son enfance à Oujda, auprès d’une mère courage qui élève seule ses enfants. Fatéma, mariée à un homme qu’elle ne connaît pas à 18 ans, quitte Oujda pour le retrouver en France.

Quelques années plus tard, en pleine ébullition post soixante-huitarde, elle intègre la fac de Vincennes, le campus rebelle ouvert à tous, y compris aux non bacheliers comme elle. Elle y fera même une thèse sur la prostitution maghrébine en France. Opposée à toute idée d’une vie tracée d’avance auprès d’un mari avec qui elle ne partage pas grand-chose, elle choisit de le quitter. Mais c’est sans compter les pressions familiales, et les trois enfants qui deviennent vite l’enjeu de la séparation. Elle assumera les torts. C’est le prix à payer pour vivre auprès de l’homme qu’elle aime.

Fatéma Hal revient aussi longuement sur ses combats en France. Militante, elle se met au service des immigrés, des femmes, de ceux qui souffrent de discrimination. Elle travaille dans le milieu associatif, comme interprète français arabe, elle effectue des démarches pour ceux qui ne maîtrisent pas le français. A travers cette « fille des frontières », elle fait aussi le portrait d’une femme qui veut assumer ses charges de famille, et qui n’hésite pas à se lancer dans l’aventure de la restauration. En 1984, avec très peu de moyens mais des soutiens fidèles, elle ouvre son restaurant, rapidement salué comme l’une des meilleures tables marocaines de Paris.

Pour Fatéma, la cuisine est bien plus qu’une affaire d’alimentation ou de technique, c’est surtout une façon d’échanger avec l’autre et de le comprendre. Elle fait partager ses connaissances culinaires mais aussi ethnologiques à travers les ouvrages culinaires qu’elle publie depuis 15 ans. Aujourd’hui, elle se livre à travers un témoignage d’une grande sensibilité.

« Fille des frontières » de Fatéma Hal, éditions Philippe Rey, 19 euros.

Cyril Bonnel