France. Attentats de Paris : Des années de travail anéanties pour les associations de quartiers

 France. Attentats de Paris : Des années de travail anéanties pour les associations de quartiers

Les élus et militants de quartiers


« La guerre, on l'a déjà perdue sur le terrain » : après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, militants et élus des quartiers ne cachent pas leur découragement face à la séduction qu'exerce l’État islamique sur une partie de la jeunesse, difficile à combattre avec « trois bouts de ficelle ». 


 


Urgence de prendre conscience d’une « communauté de destin »


Militants associatifs et élus de banlieue ont été nombreux à condamner sans réserve les attentats « barbares » de vendredi et appeler à une solidarité sans faille contre le terrorisme. « En France, à Saint-Denis, jamais la barbarie ne gagne », a ainsi déclaré le maire PCF de Saint-Denis, Didier Paillard.


« Que ce soit de l'autre côté du périphérique ou dans Paris, le combat contre ces barbares, on le mènera ensemble. Il faut que la mamie au fond de son fauteuil qui regarde la télé l'entende, il faut que les jeunes qui ne se sentent pas concernés l'entendent », lance de son côté, une association née après les émeutes de 2005.


Pour cet ancien éducateur de rue, le caractère aveugle de ce crime de masse peut favoriser la prise de conscience d'une communauté de destin. « Charlie Hebdo était plus clivant, là, les victimes, c'est nous ».


 


Course à la jeunesse entre travailleurs sociaux et recruteurs jihadistes


Mais derrière ces appels à dépasser les clivages se cache une réelle inquiétude. « Est-ce que ces attentats vont ressouder les liens ou les distendre ? », s'interroge Fouad Ben Ahmed, secrétaire de la section PS de Bobigny. Car il a beau se réjouir que la majorité de ses contacts sur Facebook affichent le drapeau français sur leur profil, il relève que « dans les quartiers, il y a la peur de sortir. La peur du regard de l'autre. La peur, passé le moment du deuil, d'une montée de la haine ». « Aujourd'hui, être musulman en France, c'est pas simple », soupire-t-il.


« Un coup de massue » : c'est ainsi que Brahim Chikhi, un ancien élu très investi dans le quartier du Londeau à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), décrit l'effet que lui ont fait ces attentats. « On est allés tellement loin dans l'horreur que ça remet en question tout le travail que tu fais sur le terrain, l'espoir que tu avais de changer un peu les choses », se désole cet ingénieur, directeur bénévole de centres de vacances.


Face aux gros moyens déployés par l'État islamique, de véritables « pros du recrutement », la solution passe par « l'éducation personnalisée » : « au lieu de surveiller en permanence de potentiels terroristes, on devrait plutôt être sur le dos de chaque gamin entre ses 6 et 16 ans ». Entre l'organisation terroriste et les travailleurs sociaux s'est engagée une course de vitesse, que ces derniers, avec leurs moyens « dérisoires », sont en train de perdre, estime Brahim Chikhi. « Ils ont trouvé dix gamins pour se faire sauter. Nous, si on en sauve deux par an, on est contents ».


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif