La Tunisie entre la violence, la religion et le droit

 

1er tableau (choisissez n’importe quelle scène): Fréquent

-un parti prévoit d’organiser un meeting à Gafsa. Des habitants menacent d’incendier le local où doit se dérouler le meeting, car ils ne sont pas d’accord avec les principes que défend ce parti, avec le cv de ses dirigeants, voire avec leur généalogie. Le meeting est annulé.

-un cinéma de la capitale projette un film dont le titre choque. On organise une descente violente au cours de laquelle la salle est saccagée.

-dans un café de Sbeitla, deux hommes jouent aux cartes. La partie dégénère en violente dispute. Chacun fait appel à la solidarité de son arch. Une bataille rangée s’en suit qui se conclut par l’intervention de l’armée et l’instauration d’un couvre-feu.

 

Tableau 2 : Tentant

-Des incidents extrêmement violents éclatent entre les deux branches d’une même tribu à Métlaoui. La situation dégénère, avec usage de fusils de chasse et plusieurs morts. L’armée instaure le couvre-feu. Abdelfattah Mourou, leader islamiste, conduit la prière du vendredi et réconcilie les deux camps, en invoquant les principes de l’Islam.

 

Tableau 3 : Absent

Les Tunisiens savent qu’ils sont traversés par des intérêts contradictoires et des avis différents. Ils savent que c’est normal et que c’est ainsi dans toutes les sociétés humaines.

Ils savent que le seul moyen de vivre ensemble est de tolérer les différences et d’avoir des mécanismes pour les gérer.

Ils savent que les décisions doivent être prises en commun, et que s’ils ne sont pas d’accord, ils se plieront à l’avis de la majorité.

Ils décident de faire du droit leur règle du jeu.

 La conclusion

Ces trois tableaux résument les cas de figure qui traversent la Tunisie d’aujourd’hui, comme dans toute société humaine d’ailleurs.

-Le premier met en scène différents événements réels, connus, malheureux.

Il relève du premier stade d’évolution des sociétés humaines : celui du tribalisme où la force brute est le seul régulateur.

-Le second tableau est également réel. Il illustre le stade où les sociétés humaines recourent à la religion comme source de morale, pour imposer une régulation où il y a des valeurs, un souci de justice et où il ne suffit plus d’être le plus fort pour avoir raison. C’est un stade uqi a joué un grand rôle dans l’évolution de l’humanité.

Plus une société versera dans l’anarchie et la violence et plus le recours à la religion s’imposera.

-Le stade 3 est pour le moment, dans le cas tunisien, de la fiction. C’est celui où une société humaine estime qu’elle peut elle-même créer sa morale et ses règles de fonctionnement. Où la citoyenneté prime les appartenances ethniques ou religieuses. Où si l’on n’est pas d’accord, c’est la loi de la majorité qui doit l’emporter. Et que si on s’estime lésé, on doit recourir à la justice. La religion devient affaire individuelle, elle vit sa vie sans freins ni contraintes, mais ne s’impose pas aux autres. La Turquie par exemple, et contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, est au stade 3 et non pas au stade 2.

L’enjeu dans la Tunisie d’aujourd’hui, c’est d’y arriver et de savoir choisir entre la force, la religion et le droit. Et il y a des moments où je suis sceptique quant à la réponse qui va être donnée.

Soufia Limam

 

 

 

 

Soufia Limam