MRE : et si la nouvelle constitution révisait la Kafala ?

Vous êtes un couple de marocains résidant en France. Vous n’avez pas la chance d’avoir des enfants mais vous voulez bien en adopter. Et bien, dites-vous qu’il est plus facile « d’importer » un bébé chinois via les agences d’intermédiation, que d’adopter un petit marocain. L’Europe ne reconnaît pas la Kafala, seul système d’adoption « actuellement » permis dans la majorité des pays musulmans.

Des bébés victimes du débat identitaire

Jeudi 21 juillet 2011 : Chez un pédiatre à Casa, Salima raconte ses déboires à une voisine. Le bébé, dans les bras de son mari Ahmed, a été adopté en début d’année dans la maternité Lalla Hasnaâ. Depuis, le couple a dû le confier aux grands parents adoptifs et faire plusieurs allers-retours pour essayer d’arracher ce visa, sans lequel il leur est impossible de l’emmener. Ne portant pas le nom de son père adoptif, Bébé est en fait considéré comme un immigré qui doit faire la file devant le consulat de France comme tous les autres ! Les visas sont délivrés au compte-gouttes.

A l’origine du problème, l’absence d’un équivalent de la Kafala dans la législation française. Celle-ci définit la Kafala comme une sorte de tutorat plutôt qu’un système d’adoption, du fait de l’incompatibilité du nom de famille chez l’enfant et son père adoptif ainsi que l’absence de tous les droits à l’héritage dans cette forme d’adoption.

A ce sujet, l’association des parents adoptifs d’enfants nés en Algérie et au Maroc (PARENAM) se bat pour la reconnaissance de la Kafala par le législateur français. Dans cette entreprise, l’association est aidée par des politiques qui comprennent les contraintes religieuses de l’adoption en Islam, ou qui au contraire considère la Kafala comme une forme d’injustice à laquelle la loi française ne devrait pas cautionner.

Le sénateur Alain Milon a déposé à la présidence du Sénat, le 10 mars dernier, la proposition de loi n° 353 relative à l’adoption des enfants régulièrement recueillis en kafala et tendant à les faire bénéficier de tous les droits au sein de leur famille et dans le pays. La proposition consiste à insérer dans l’article de loi sur l’adoption, après : « adoption simple », les mots : « ou qui a été régulièrement recueilli en kafala ».

La proposition est très fortement contestée par les conservateurs. « Non à la loi de Milon qui introduit le code coranique dans le code civil ! », conteste violemment Arnaud Gouillon du Bloc identitaire. Avec la crise identitaire dont souffre la France, l’acceptation de certaines spécificités culturelles et religieuses des communautés d’immigrés n’est pas à l’ordre du jour. L’adoption « Halal », comme la surnomment certains détracteurs, n’a pas de place chez les Gaulois.

Il paraît cependant que tous les pays européens n’agissent pas de la même manière vis-à-vis de la question. L’Espagne et la Suisse font preuve de beaucoup de commodité vis-à-vis de la Kafala, alors que l’Italie se montre beaucoup moins tolérante que la France.

Côté Maroc : un espoir ?

L’adoption par le Royaume d’une nouvelle constitution qui veille à la protection des droits de l’enfant remet le dossier de la Kafala sur la table.

Faciliter l’accès de l’enfant au nom du père adoptif devrait être un bon début pour plus de fluidité dans les procédures administratives. Salima et Ahmed ont été découragés par la lenteur de la procédure étroitement contrôlée par le ministère de l’intérieur. Ils avouent, cependant, que ça aurait pu leur éviter la méfiance et la suspicion des autorités françaises au consulat.

Quant au droit à l’héritage qui semble préoccuper la Fille aînée de l’Eglise, il pourrait être rajouté au contrat de la Kafala après leur approbation, comme leur a signifié leur avocat.

D’un autre côté, un Ijtihad (révision religieuse) concernant les termes de la Kafala ne serait pas de trop, si l’on tient compte de la primauté de l’intérêt de l’enfant dans l’Islam.

En attendant que les craintes de l’Hexagone s’apaisent et que les batailles pour les présidentielles cessent, la PARENAM gagnerait à se mobiliser au Maroc, là où le changement est possible…

Fedwa Misk

Fadwa Miadi