Ali Guessoum, attention, casseur de clichés

 Ali Guessoum, attention, casseur de clichés

crédit photo : Cecile Arfi / Ali Guessoum


Sa lutte contre le racisme s’exprime à travers des expositions sur le devoir de mémoire, de drôles d’affiches détournant les stéréotypes et des interventions en milieu scolaire. L’artiste algérien a récemment publié un recueil illustré. 


A la tête de l’association Remembeur, qu’il a créée en 2011, Ali Guessoum entend partager et valoriser un patrimoine culturel méconnu, celui de l’immigration et de ses héritiers. Afin de “rendre, dit-il, la ­parole qui a été confisquée aux parents et aux grands-parents”. Le devoir de mémoire occupe une place importante dans son travail, qu’il soit ­associatif ou professionnel. Est-ce parce qu’il porte le prénom de son grand-père, tué par les paras français lors de la guerre d’Algérie ?


En décembre 1983, le Franco-Algérien a 18 ans et bat le pavé lors de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, rebaptisée par la presse la “Marche des beurs”. Déjà, il s’exaspère de ce glissement ­lexical. “Cela a été un basculement. Notre combat a été ethnicisé, alors qu’il réunissait des gens de tous les horizons. Puis, il y a eu la récupération politique derrière. ­Bizarrement, cela a eu pour effet de me reconnecter à mes racines, je ne les affichais pas spé­cialement jusque-là.”


 


Avant le livre, l’exposition


Ali Guessoum est né dans un village de petite Kabylie en 1965, et débarque à Paris à l’âge de 7 ans, “dans une France très Pompidou”. “On était dans l’entre-soi, se remémore-t-il. Nous avons passé cinq ans dans le XIIe arrondissement. Je me suis adapté très vite. En quelques mois, je parlais et ­rêvais en français !”


Puis, sa famille déménage en banlieue, à Villejuif, ville communiste du Val-de-Marne. “C’était autre chose. Je fréquentais un collège où la population était plus ­mélangée. Il y avait des enfants d’immigrés italiens, portugais, maghrébins, et on se ­côtoyait tous.”


Pourtant, il rêve de revenir à dans la capitale. Etudiant-salarié, il cumule les petits boulots et navigue avec aisance entre différents univers, des bancs de la fac à l’opéra Garnier, où il officie comme hôte en smoking. “Dans la même journée, je pouvais discuter avec Grace Jones, alors que, cinq heures auparavant, je vendais un abonnement par téléphone. J’avais un spectre de rencontres assez large. C’était grisant, je n’étais plus ­enfermé dans une identité.”


Après des études de sociologie à Jussieu, il crée une petite agence de communication à la fin des années 1980, SansBlanc. Il y manie le second degré et l’humour pour faire passer les messages.


“Attention, travail d’Arabe” est d’abord une exposition présentée en 2011, lors du festival Origines contrôlées, organisé par Tactikollectif, dont le groupe toulousain Zebda est le fer de lance. Elle vise à déconstruire les préjugés sur les immigrés et leurs descendants, en détournant des ­slogans publicitaires : le Camembert Président devient le Camembert Résident, sous-titré “L’immigration, il ne faut pas en faire tout un fromage”. L’Absolut Vodka se transforme en Absolut Burka. Le visuel, volontairement provocant, s’accompagne d’un petit texte d’analyse. Puis, face au contexte post-attentat de 2015 (racisme décomplexé et islamophobie en hausse), l’exposition devient un livre, agrémenté de visuels inédits et intitulé ­Attention, ­travail d’Arabe. Ou la déconstruction des ­stéréotypes et préjugés racistes.


 


Son super-héros ? MusulMan


On se surprend à sourire en découvrant son super-héros à lunettes de soleil, pré nommé MusulMan, et le texte qui l’accompagne : “Sa mission est impossible : s’envoler dans les sondages.” Les sources d’inspiration d’Ali Guessoum ? Pierre Desproges et les Monty ­Python. D’eux, il tire sa propre philosophie : rire de tout, rire de l’absurde. Et c’est une réussite ! 


 


Attention, travail d’Arabe. Ou la déconstruction des stéréotypes et préjugés racistes



Ali Guessoum, éd. Atlande, 128 p., 15 €.


Quelques unes des affiches d'Ali Guessoum : 






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