Subventions des produits de base : le casse-tête des dirigeants algériens

 Subventions des produits de base : le casse-tête des dirigeants algériens

Le Premier ministre algérien Aïmene Ben Abdelrahman, présente le plan d’actions du gouvernement, visant à relancer l’économie nationale devant les membres de l’APN, lors d’une séance plénière à Alger, Alger, le 13 septembre 2021. Billal Bensalem / NurPhoto / NurPhoto via AFP

C’est un véritable casse-tête chinois qui donne désormais des insomnies aux autorités algériennes. Alors que les députés algériens avaient voté la suppression du système de subventions généralisées des produits de base, dans le cadre de la loi de finances pour 2022, le gouvernement peine à trouver le fameux « Sésame ouvre-toi » qui permettrait aux autorités d’arrêter l’hémorragie sans renoncer totalement au système des aides d’État.

 

Le tonneau des Danaïdes a atteint son paroxysme avec la récente crise de l’huile, quand les autorités, malgré la mesure absurde de l’interdiction de vendre de l’huile aux mineurs et le sparadrap des opérations de saisie de contrebande, se retrouvent dépassées par l’ampleur du mouvement.

En effet, alors que les prix de l’huile flambent sur le marché intérieur et que la pénurie menace, l’huile de marque Elio produite par Cevital se retrouve en quantités importantes dans les pays frontaliers et, à leur tête la Tunisie, sans que le producteur les ait exportées officiellement dans ce pays.

La contrebande de produits de première nécessité subventionnés par l’Etat se retrouve dans les pays voisins (à l’exception du Maroc dont les frontières sont fermées). C’est aussi le cas avec la Libye et les pays du Sahel. Ce qui explique l’important coup de filet opéré par les gendarmes, le 12 janvier, avec la saisie de 160 000 litres destinés au Niger.

On se demande d’ailleurs comment le gouvernement compte mettre à exécution son plan de passer de « 30 et 41 milliards de dollars » de subventions aux produits de base à un total de « 17 milliards de dollars », encore pour 2022, comme indiqué par le chef du gouvernement algérien qui parle d’adopter « une nouvelle philosophie visant à cibler, directement par des aides, les familles dans le besoin ».

Surtout quand on sait que l’État subventionne de nombreux produits alimentaires de base (semoule, huile, pain, lait…) mais également l’électricité, l’eau, le gaz et l’essence.

Le système social algérien procure aussi des aides au logement et assure la gratuité de l’éducation et des soins. Avec un budget financé quasi totalement par les recettes tirées des exportations d’hydrocarbures, qui représentent plus de 90% des apports en devises.

Pour rappel, les réserves de change sont passées de 62,8 milliards de dollars en 2019 à 48,2 milliards de dollars à la fin de 2020, selon le FMI.

En tout cas, la réforme qui vise à « orienter les fonds alloués vers les véritables ayants droit à travers un dispositif prévoyant un ciblage des plus nécessiteux », risque de se heurter au principe de réalité d’un système où les démunis sont bien visibles dans la rue mais qui ne possèdent aucun outil statistique pour les identifier et qui permet aux ménages les plus aisés continuent de « bénéficier de droits indus ».

Ajoutons à cela que les accords commerciaux signés par l’Algérie avec les pays tiers, notamment avec l’UE et la Russie, ont maintenu durant des années l’économie nationale dans un état de dépendance accrue.

L’UE se positionne comme étant le principal partenaire commercial de l’Algérie. Ses exportations vers le pays maghrébin sont composées essentiellement d’équipements industriels et de transport, ainsi que des produits agricoles de première nécessité.

Dans le détail, l’Algérie a importé pour 283 milliards de dollars (240 milliards d’euros) de biens depuis l’UE entre 2005 et 2017, alors que le montant de ses exportations, quant à lui, n’a atteint que 12 milliards de dollars, essentiellement des dérivés du pétrole, pour la même période.

Face à ce désastre, le secteur privé marqué par le lobby des importateurs, composé à 90% de microentreprises à caractère familial qui opèrent bien souvent dans le secteur informel en raison des liens avec les généraux ou bien avec l’appareil politique ne peut constituer une alternative.

Enfin, tant que la rente pétrolière et gazière permettait de maintenir le système sous perfusion, les populations prenaient leur mal en patience, mais au fur et à mesure que les cours des prix des hydrocarbures, chutaient, les voyants virent désormais au rouge.

Dans un pays où les réserves en devises fondent comme neige au soleil, l’argent du pétrole manque désormais cruellement pour acheter la paix sociale.

 

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Abdellatif El Azizi