Tunisie. Campagne de sensibilisation au travail domestique non rémunéré

 Tunisie. Campagne de sensibilisation au travail domestique non rémunéré

Les femmes passent entre 8 et 12 heures par jour dans le travail de soin non rémunéré contre 45 minutes en moyenne pour les hommes. C’est ce qui ressort de la campagne d’influence organisée par Oxfam en Tunisie, pour sensibiliser le grand public au travail de soins non rémunéré.

Selon ses statuts, L’ONG Oxfam vise notamment en Tunisie « à renforcer l’autonomisation des femmes, dont l’autonomisation économique ». Ceci signifie entre autres promouvoir une plus grande valorisation des contributions économiques des femmes et la création d’un environnement propice à leur participation à l’économie. C’est dans ce contexte que le concept de « soins » (care, en anglais) joue un rôle crucial auquel l’expression travail domestique ne rend pas toujours justice. L’analyse de la prise en charge des soins (ou care work) s’inscrit précisément dans la lutte contre les inégalités et la promotion de l’autonomisation des femmes.

Le travail de soin non rémunéré désigne toutes les activités qualifiées de travaux reproductifs ou domestiques au sein des foyers sur une base non marchande. Bien que ce travail soit essentiel pour l’équilibre de la société et l’épanouissement de la famille, certaines normes sociales ont rendu ce travail sous-estimé, invisiblisé, et non reconnu.

Oxfam note que « malgré les avancées en matière d’égalité de genre en Tunisie, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent encore, notamment en relation avec la répartition des rôles et des responsabilités assumées au sein de la famille ». Des responsabilités majoritairement assumées par les femmes.

D’après l’étude élaborée en Tunisie en partenariat avec AFTURD (Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement), les femmes passeraient entre 8 et 12 heures par jour dans le travail de soin non rémunéré (dépendamment de leur âge, leur situation familiale et économique et leur lieu de résidence), contre 45 minutes en moyenne pour les hommes. En d’autres termes, elles y passent entre 33 % et 50 % de leur budget-temps quotidien, contre 3 % pour les hommes.

Selon les résultats d’une étude « budget-temps » en Tunisie, publiés par le Ministère de la Famille et de la femme, la valeur de ce travail non rémunéré est estimée à 23,8 Milliards de Dinars Tunisiens, soit 7,5 milliards d’euros.

 

Une forte charge mentale

Pour l’ONG, cette charge de travail de soin non rémunéré des femmes entrave l’accès des femmes aux opportunités économiques et contribue par ailleurs directement à « la féminisation de la pauvreté ». Le temps passé dans le travail de soin non rémunéré priverait en effet les femmes de l’accès à des opportunités de développement, la participation à la vie publique mais aussi à l’accès à certains espaces de décision.

« Le travail de soin non rémunéré a un énorme impact sur la santé et le bien-être des femmes. Selon Oxfam Tunisie, la charge mentale, invisible, incalculable, est considérable pour les femmes qui prennent en charge la gestion du quotidien, de la famille, des repas, etc. ».

S’agissant des femmes qui ont un travail rémunéré, elles font une « double journée » : elles assument l’intégralité des activités de soins, en plus de leur travail à l’extérieur du foyer. Malgré la participation croissante des femmes à l’emploi salarié, il s’avère selon les résultats de l’étude que le temps que les hommes dédient aux tâches domestiques et familiales reste considérablement faible en comparaison avec le temps passé par les femmes dans ces tâches.La participation des femmes dans le domaine professionnel ne les dispense pas des responsabilités liées au travail de soins non rémunéré.

 

Principales recommandations

Les causes et conséquences de la répartition inégale du travail de soins non-rémunéré étant nombreuses et interreliées, les recommandations proposées pour autonomiser les femmes et améliorer leurs bien-être sont articulées selon 4 axes de travail qu’Oxfam priorise.

L’ONG recommande d’abord d’accroître la reconnaissance du travail de soins, de réduire le fardeau qu’il constitue, de redistribuer plus équitablement les responsabilités associées entre les hommes et les femmes, et entre les ménages, l’Etat et le secteur privé, et de garantir la représentation des personnes prenant en charge les activités de soins dans les prises de décision et les postes de leadership.

Les recommandations visent quatre acteurs principaux : l’Etat, la société civile, le secteur privé et les bailleurs de fonds. Oxfam les appelle le gouvernement à « investir dans l’économie de soins, en tant que moyen d’accomplir la justice de genre ».

 

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Seif Soudani