Tunisie. Le président Kais Saïed procède à plusieurs limogeages

 Tunisie. Le président Kais Saïed procède à plusieurs limogeages

La ministre du Commerce, Fadhila Rabhi, et le gouverneur de Sfax, Fakher Fakhfakh

Pratiquant une sorte de gestion par l’effroi, le président de la République Kais Saïed a procédé hier 6 janvier à une série de limogeages qui touchent les secteurs administratif, gouvernemental et régional.

Hier vendredi, on apprenait ainsi d’abord que le président directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie, Béchir Yermani, a été limogé. Une décision annoncée dans le Journal officiel (JORT) en date du 6 janvier 2023. « Par décret n° 2023-1 du 5 janvier 2023. Il est mis fin aux fonctions de Monsieur Béchir Yerrmani PDG de la Pharmacie centrale de Tunisie » ; indique le JORT dans la rubrique réservée au ministère de la Santé. Le nom de son successeur n’est pas encore connu.

Cela fait de longs mois que la pénurie de médicaments perdure dans le pays. Après une légère amélioration l’été dernier qui avait porté le nombre de médicaments manquants à environ 250, la pénurie s’est récemment aggravée : désormais ce sont plus de 500 médicaments qui restent introuvables dans les hôpitaux et les pharmacies en Tunisie, au grand dam des personnes atteintes de maladies chroniques.

« Un manque de médicaments qui s’accompagne également d’une hausse spectaculaire des prix de près de 2.350 médicaments génériques et antibiotiques », déplorent les professionnels de la santé.

Le problème est pourtant connu, il remonte à 2018, et demeure intimement lié aux finances publiques. La Pharmacie centrale de Tunisie, l’organisation gouvernementale qui importe tous les médicaments provenant de l’étranger, est depuis cette date dans l’incapacité de régler ses dettes. Ce qui complique l’approvisionnement des médicaments provenant des fournisseurs internationaux : ces derniers n’acceptent plus aucun retard en matière de paiement de leurs produits dans le cas des Etats insolvables.

Face à l’exacerbation de la crise, la solution est de régler les dettes de la Pharmacie centrale. Or, dans l’attente du déblocage du prêt du FMI dont les négociations patinent, l’Etat tunisien renoue avec son statut chronique de mauvais payeur. Mais peu importe pour le mode de gouvernance populiste qui a besoin de bouc émissaire : le PDG est sacrifié de sorte de se dédouaner et de se présenter à l’opinion comme un redresseur de torts qui réagit de façon radicale, à coup de limogeages intempestifs.

 

L’Etat des chaises éjectables

Même scénario pour la ministre du Commerce, Fadhila Rabhi, et le gouverneur de Sfax (deuxième plus grande ville du pays), Fakher Fakhfakh, deux personnages qui avaient pourtant été nommés de façon partisane par Kais Saïed lui-même. Via un communiqué laconique de la présidence, où il est question de « la nécessité de garantir les bonnes conditions du déroulement du second tour des élections législatives », les deux responsables sont éjectés sans ménagement.

La ministre du Commerce Rabhi fait sans doute les frais de la politique de fuite en avant de Kais Saïed qui a fait de la lutte contre les spéculateurs une obsession thématique. Agacé, le chef de l’Etat s’acharne : il n’a de cesse d’exprimer son insatisfaction de la poursuite des hausses des prix et de la spéculation, un phénomène complexe, qui échappe vraisemblablement à sa compréhension, si on en juge par sa dernière sortie nocturne dans la nuit du réveillon. Une énième visite inopinée où il pousse le déni jusqu’à vouloir prouver que des produits inexistants sur le marché sont bel et bien sur les étals.

Quant au gouverneur de Sfax, le personnage haut en couleurs est connu pour être un grand admirateur du président Saïed. Incapable durant de nombreux mois de débarrasser ce poumon économique du sud du pays de sa crise environnementale des déchets ménagers, il avait finalement opté pour une solution controversée old school consistant à brûler les ordures qui s’amoncelaient dans la ville.

« Lorsque vous virez à tour de bras des responsables que vous avez désigné il y a peu vous-mêmes, il advient un moment où vous devez vous demander si au final vous n’êtes pas vous-même le problème », ironise un internaute sur la page officielle de la présidence.

Seif Soudani