Tunisie. Officiel : Les autorités décrètent la fin de l’eau courante 24h/24

 Tunisie. Officiel : Les autorités décrètent la fin de l’eau courante 24h/24

Nous l’annoncions dès le 23 mars : malgré le déni répété des responsables de la Société nationale de distribution et exploitation des eaux (Sonede), il était évident que le rationnement de l’eau potable était de facto en bonne voie, déjà devenu une réalité depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour des millions de Tunisiens. Radicale, la solution officialisée aujourd’hui par les autorités tunisiennes va cependant causer un profond bouleversement dans le quotidien des citoyens et la gestion de nombreux secteurs. L’eau du robinet à la demande appartient désormais à une ère révolue.  

 

C’est historique : la Sonede a annoncé vendredi 31 mars dans un communiqué, qu’elle mettra en place un système de quotas pour la coupure d’eau, selon les ressources hydrauliques disponibles, durant la nuit à partir de 21h00 jusqu’à 4h00 du matin durant les six prochains mois. « Une décision renouvelable au besoin, après examen de la situation des réserves stratégiques en eau fin septembre 2023 ». La même source a néanmoins précisé que cette période tout comme cette plage horaire pourront être ajustées pour chaque région du pays, selon la demande et l’évolution des conditions climatiques, notamment les températures.

Cette annonce est corrélée à la décision du ministre de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche datée du 29 mars 2023, d’interdire provisoirement certains usages de l’eau et d’imposer un système de rationnement conjoncturel afin de faire face à la pénurie hydrique actuelle dans le pays, le tout accompagné d’une batterie de sanctions à l’égard des contrevenants.

« Plus les régions sont proches des côtes, à l’image des régions de Sousse et Monastir, situées sur des plaines, et plus l’acheminement de l’eau y est difficile », explique en outre aujourd’hui Mosbah Hellali, PDG de la Sonede, pour justifier les coupures d’eau préexistantes depuis l’an dernier dans ces régions.

 

Une décision politique exigée par le cumul de plusieurs années d’inaction

La mise en place du système de quotas conjoncturel intervient suite au déséquilibre enregistré entre l’offre et la demande de l’eau dans la plupart des grands systèmes hydrauliques. En cause, la pénurie en ressources en eau et la persistance de la sécheresse pendant des années consécutives, et la mise en place tardive de stations de dessalement des eaux de mer. « Cela a entraîné une baisse sans précédent des niveaux des barrages dans le pays, et de son stock, ainsi que le niveau des ressources en eaux souterraines dans la plupart des régions, qui a atteint dans certaines régions un épuisement total ».

Compte tenu de la conjoncture sensible que vit le pays, à l’instar de tous les pays du monde suite aux changements climatiques, la Sonede appelle les citoyens à « faire preuve de compréhension de cette situation indépendante de sa volonté, et à mieux rationaliser l’utilisation et la consommation de cette ressource vitale ».

Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche chargé des eaux, Ridha Gabouj, a par ailleurs réitéré le fait que la situation des eaux en Tunisie est « très critique, étant donné que le stock des barrages ne dépasse pas les 31% actuellement, ce qui est un niveau sans précédent ».

Le stock des barrages dont le nombre s’élève à 37 barrages en Tunisie a régressé, à la mi-mars 2023, de près de 390 millions mètres cubes par rapport à la même période de 2022. La Tunisie est également confrontée à des problèmes dans le système de Sidi Salem et des eaux de l’extrême nord suite à la baisse des précipitations saisonnières. Ce système compte 17 barrages qui fournissent des eaux d’irrigation au profit de sept gouvernorats (sur 24 au total), en sus de l’eau potable au profit des gouvernorats du Grand Tunis, Nabeul, Sousse et Sfax.

Mais en étant prise en plein ramadan, la décision du rationnement de l’eau prise de façon abrupte fait face à la colère des Tunisiens pas toujours sensibilisés aux questions écologiques, et à la grogne de plusieurs corps de métiers dont l’hôtellerie (tous les hôtels du pays ne sont pas équipés de bâches à eau), la restauration, les salons de beauté et de coiffure, les salles de sport équipées de douches, dont la plupart rouvrent précisément leurs portes la nuit pendant le ramadan.

L’eau sera en réalité inutilisable pendant bien plus longtemps que ces plages horaires, rappellent des internautes, puisque le retour de l’eau après les coupures s’accompagne de la pollution issue des nappes phréatiques, du chlore et autres produits de traitement rendant l’eau souvent opaque et impropre à la consommation des heures durant.

Seif Soudani