Putsch en Turquie : ce que nous apprennent les réactions de la classe politique tunisienne

 Putsch en Turquie : ce que nous apprennent les réactions de la classe politique tunisienne

Hafedh Caïd Essebsi et Recep Tayyip Erdogan


Plus de 18 heures. C’est le temps qu’a mis le ministère des Affaires étrangères pour publier un premier et court communiqué officiel émanant d’une institution représentant l’Etat tunisien, en réponse au coup d'Etat en Turquie. Cependant les Etats-Unis de Barak Obama n’ont pas été bien plus prompts à réagir. Le State Department a en effet temporisé jusqu’au bout pour y voir plus clair, avant de prendre une position sans équivoque le lendemain des faits.


 


C’est que la realpolitik US a fait des émules et s’exporte bien outre-Atlantique. Censée être un équilibre entre les idéaux et les intérêts, la politique étrangère moderne, très soucieuse de sa communication, se conçoit aujourd’hui en l’occurrence telle la Une d’un quotidien au lendemain de la finale de l’Euro : on prépare le texte A en cas de victoire des uns, et un texte B en cas de victoire des autres où, bien sûr, le communiqué soulignera la « position de principe » des chancelleries en question.


La présidence de la République tunisienne a elle aussi réagi sur le tard. Si on ne trouve nulle trace de ce message sur la page officielle de la présidence, plus intéressée par la communication autour du drame de Nice, Beji Caid Essebsi a tout de même félicité son homologue turc Recep Tayyip Erdogan « pour le retour de la Turquie frère à la légitimité constitutionnelle et sa réussite à faire échec à la tentative de coup d’Etat qui avait pour objectif de contourner les choix du peuple et faire main basse sur ses institutions démocratiquement élues ».


Une position probablement pas soufflée par Firas Guefrech, conseiller auprès du président de la République chargé du système d’information et de la documentation, qui avait applaudi vendredi soir le coup d’Etat sur Twitter.


Plus inattendue, la position relativement inédite de l’extrême gauche tunisienne, qui via le Parti des Travailleurs a publié samedi un communiqué similaire voire aligné sur la position de l’ensemble de l’opposition turque : le PT y condamne la tentative de coup d’Etat, mais y considère dans un deuxième point que « l’intérêt du peuple turc réside dans l’escalade de la militance par des moyens civils et populaire contre le régime d’Erdogan […] en unissant les forces progressistes pour défendre une Turquie démocratique et laïque ». Dans un troisième point, le PT appelle enfin à la « révolution populaire contre (sic) le régime obscurantiste et sanguinaire d’Erdogan »… Au PT, un communiqué d’une telle teneur à propos du génocidaire régime voisin de Bachar n’a cela dit pas encore vu le jour.  


Plus rapide à réagir, et ce dès la nuit de vendredi à samedi 16 juillet, Moncef Marzouki fut la première personnalité publique à réagir sur les réseaux sociaux, en condamnant fermement le putsch d’une « poignée de traîtres », en opérant une analogie avec l’Egypte de la dictature militaire, et en rappelant que la Turquie a reçu trois millions de réfugiés syriens.  


C’est peut-être là une leçon qu’Ennahdha, l’alliée d’hier de Marzouki défenseur des droits humains, devra méditer. Se considérant comme trahi pour des motifs politiciens par les représentants de l’islam politique, ce dernier n’a pour autant pas hésité à soutenir l’AKP dans cette épreuve.


A contrario, Ennahdha pourrait à tout moment tout perdre : les défenseurs des droits humains, ainsi que ses nouveaux alliés destouriens, pour peu que demain le rapport de force régional venait à faire tomber certains masques à droite, où l’alliance avec les honnis islamistes n’est qu’affaire de cohabitation subie, sur des bases finalement très fragiles.


 


Seif Soudani




 

Seif Soudani