Tunisie – Corée du Sud : l’importance d’une visite d’Etat

 Tunisie – Corée du Sud : l’importance d’une visite d’Etat

La Tunisie vise la signature d’un accord commercial préférentiel avec la Corée du Sud


La Tunisie et la Corée du Sud ont signé le 19 décembre trois mémorandums d’entente dans les domaines de l’investissement, du commerce et de développement des marchés publics, dans le cadre du Forum économique tuniso-coréen. Une avancée qui cache un retard substantiel par rapport aux investissements coréens dans les autres pays de la région. Explications.



 


Honneurs protocolaires à la Kasbah puis à Carthage, branle-bas de combat dans les chambres patronales… Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit le plus haut représentant d’une puissance économique telle que la Corée du Sud, le Premier ministre sud-coréen, Lee Nak-yeon, accompagné de sa délégation.


Une visite d’autant plus cruciale que la Tunisie est en l’occurrence à la traîne par rapport à ses voisins. Le Chef du gouvernement Youssef Chahed ne s’y est pas trompé, en soulignant hier mercredi d’emblée « la nécessité d’élargir le champ de la coopération avec la Corée du Sud », de manière à faire de la Tunisie « une plateforme régionale de production et d’exportation des produits coréens vers les pays européens, méditerranéens et subsahariens ». 


De son côté, le président de l’Instance Tunisienne de l’Investissement, Khalil Labidi, a mis en exergue « la faiblesse des investissements coréens en Tunisie », des investissements qui ne dépassent pas le montant dérisoire de 60 millions de dinars (soit 17 millions d’euros), notamment dans le secteur industriel et les services (respectivement 3 petits projets dans chaque secteur).


 


L’Egypte et l’Algérie ont la préférence des grands constructeurs coréens


Une négligence du petit marché tunisien qui contraste avec le vif intérêt accordé par les géants que sont Samsung et LG à l’Egypte et l’Algérie voisine.


Ainsi en 2012, le partenariat entre Samsung et le fabriquant – distributeur tunisien al Athir semblait encore prometteur, ce dernier produisant entre autres des Smart TV destinées au marché local pour le compte de Samsung. Mais avec la sophistication accrue ces dernières années des procédés de fabrication de plus en plus exigeants des panneaux LED, cette production fut stoppée net, et l’Egypte a progressivement trusté la fabrication sous licence Samsung et LG dans la région, grâce à une main d’œuvre autrement plus nombreuse et bon marché.


Annoncé comme le plus important investissement au Moyen-Orient et en Afrique, l'usine de Samsung de Kom Abu Radi (Haute-Egypte) a débuté sa production en juin 2013. Un groupement industriel qui engloutit pour sa première phase 205 millions d’euros, pour une production de 2 millions d’unités de téléviseurs et écrans LED, 2.000 postes de travail, ainsi qu’1 milliard de dollars d’exportations.


Mieux, poursuivant discrètement son implication dans le développement économique de l’Algérie, LG Electronics Algérie, entreprise de droit algérien, avait inauguré quelques années plus tard, en Novembre 2017, la première unité d’assemblage de téléphones mobiles en Algérie, sise à Birtouta, l’un des fleurons industriels à l’échelle nord-africaine, et ce après avoir élargi, en juillet 2017, sa production de téléviseurs en incluant les TV OLED, le haut de gamme absolu en matière de TV, en partenariat avec l’algérien Bomare Company.


En achetant une TV Samsung ou LG en grande surface aujourd’hui en Tunisie, les consommateurs découvriront qu’elle est exclusivement estampillée soit Made in Egypt, soit Made in Algeria. Autant dire dans ces conditions que les investissements coréens jusque-là quasi inexistants en Tunisie ont pris du retard, encore balbutiants à l’horizon 2019.


Pour se donner une idée de l’ordre de grandeur de ce qu’est le Groupe Samsung et son demi-million d’employés dans le monde (la vidéo « How big is Samsung ? » totalise sur Youtube 6 millions de vues), il suffit de savoir que le chiffre d’affaires du mastodonte sud-coréen (plus de 305 milliards de dollars lors d’une estimation faite en 2014) est équivalent à près de 8 fois le PIB de la Tunisie (40,2 milliards USD en 2017)…     


 


L’agriculture ou le high-tech ?


Mais malgré le retard qu’accuse la collaboration tuniso-coréenne dans le domaine de l’industrie des semi-conducteurs, c’est le secteur agricole qui semble avoir la préférence du chef du gouvernement tunisien qui ne se fait visiblement pas d’illusions.


Ayant exercé de 2003 à 2015 comme expert international en agriculture, agroéconomie et en politiques agricoles auprès d'institutions internationales, du département de l'Agriculture des États-Unis et la Commission européenne, le CV de Youssef Chahed n’est sans doute pas étranger à ce focus dans son domaine de prédilection.


L’homme a en effet exprimé la volonté du gouvernement de conclure avec la Corée du Sud un accord commercial préférentiel qui instaure des réductions tarifaires sur des listes définies de marchandises dans le but de hisser le niveau des échanges commerciaux entre les deux pays et de réduire le déficit commercial de la Tunisie avec la Corée du Sud. Mais si l’accent a été mis sur l’importance de développer le domaine des TIC en Tunisie, ce fut via l’évocation du lancement dès juillet 2018 du projet pilote d’utilisation de drones pour une meilleure gestion des projets de développement dans le secteur agricole. 


Un projet qui prendra fin en avril 2019, et qui se focalise sur les opérations d’irrigations agricoles dans le gouvernorat économiquement toujours sinistré de Sidi Bouzid.


Autre cheval de bataille gouvernemental alternatif, loin du secteur de l’électroménager, l’élaboration en cours d’une étude de faisabilité des centrales énergétiques photovoltaïques dans le sud du pays, ainsi qu’un projet de mise en place du système “e-people” pour encourager la participation civile et la lutte contre la corruption. 


Le Forum économique tuniso-coréen intervient en concrétisation des recommandations de la Commission mixte tuniso-sud-coréenne qui s’était tenu en avril 2018, à Séoul.


 


Seif Soudani

Seif Soudani