Tunisie. Vers des élections législatives d’un nouveau genre

 Tunisie. Vers des élections législatives d’un nouveau genre

Ahmed Chaftar

La tenue d’élections législatives, le 17 décembre prochain, sans partis politiques, est-elle possible ? Peut-on envisager l’adhésion des Tunisiens à un scrutin boycotté par l’ensemble des forces politiques majeures du pays ? C’est en tout cas l’improbable projet du président Kais Saïed et de ses partisans.   

« Les partis politiques sont condamnés à disparaître ! », martèle depuis plus d’un an Ahmed Chaftar (57 ans), l’un des principaux idéologues officieux du projet présidentiel, autoproclamé « exégète » du « Message » de Kais Saïed. Un programme qui nécessite selon cet apôtre non pas une campagne électorale mais une « campagne explicative ». Mardi 27 septembre, il annonçait à nos confrères du Acharaa el Magharebi son intention de se présenter finalement aux prochaines législatives, deux jours après le démarrage de la pré-campagne et de l’enregistrement des électeurs.

Militant associatif originaire de Zarzis, diplômé de la faculté des sciences de Tunis, Chaftar ne parle pas en l’occurrence de certains partis, mais du parti politique en tant que mode d’organisation issu de la démocratie représentative. Un mode de gouvernance que l’activiste désigne souvent par l’expression « démocratie représentative libérale » ou « occidentale », un modèle qui doit être éradiqué au prétexte qu’il ne s’est pas traduit par davantage de prospérité pour les peuples, en Tunisie et ailleurs.

Pourtant, Chaftar, « un illuminé » pour ses détracteurs qui ne lui prêtent aucune crédibilité intellectuelle, se défend de tout credo communiste ou socialiste, préférant se revendiquer d’un modèle tunisien de nouvelle représentativité participative à échelle locale, qui montrerait la voie à l’Humanité tout entière… C’est ce qui ressort de l’un de ses récents entretiens face à un journaliste estomaqué par tant d’assurance, et à qui Chaftar explique qu’un monde où 90% des richesses sont détenues par une fraction de privilégiés est en passe de se disloquer.

Elus au scrutin majoritaire uninominal, les futurs députés seront susceptibles de perdre leur mandat à tout moment, si leurs électeurs décident suffisamment en nombre de le leur retirer. Une disposition abandonnée par la plupart des grandes démocraties, que l’opposition tunisienne qualifie de « grotesque » car source potentielle de grande instabilité, voire de chaos électif permanent.

 

L’opposition se veut incrédule

Militant historique anti dictature, Ahmed Néjib Chebbi, aujourd’hui leader du Front de salut national, a réitéré cette semaine la décision des composantes de cette coalition politique de boycotter les élections législatives du 17 décembre 2022. « Ces élections ne peuvent pas avoir lieu puisque toutes les forces politiques ont annoncé leur intention de les boycotter », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse tenue à Tunis.

Chebbi précise que sa coalition rejette catégoriquement le nouveau décret-loi portant amendement de la loi électorale : « Il s’agit d’une loi autoritaire qui impose des conditions sciemment insurmontables aux candidats qui veulent se présenter à ces législatives » considère-t-il, expliquant que les amendements apportés au code électoral ne font que baliser la voie au système dit de « reconstruction par la base » (« al-bina al-qaïdi ») que le président de la République tient à mettre en place.

Néjib Chebbi a par ailleurs critiqué le décret-loi n°54 relatif à la lutte contre les crimes se rapportant aux systèmes d’information et de communication, soulignant que personne, même le président de la République, ne peut promulguer des lois en ce qui concerne les droits et les libertés relatives à l’information, la communication et la publication.

>> Lire aussi : Tunisie. Une nouvelle loi ultra répressive contre la désinformation

Le calendrier électoral des législatives du 17 décembre 2022 est paru, dans l’édition de ce vendredi 23 septembre, du Journal officiel de la République tunisienne (Jort) en vertu de la décision de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE). Sur la base de ce calendrier, la période électorale a commencé le 25 septembre 2022. Le dépôt des candidatures sera quant à lui ouvert du 17 au 24 octobre. La campagne électorale démarrera pour sa part le 25 novembre pour s’achever le 15 décembre 2022. L’annonce des résultats préliminaires aura enfin lieu le 20 décembre, tandis que les résultats définitifs seront annoncés le 19 janvier 2023.

Seif Soudani