Cinq policiers niçois jugés pour violences et injures islamophobes

Le tribunal judiciaire de Nice
Une bande audio de plus de 32 minutes, des insultes racistes, un Coran déchiré, des pleurs et des cris. Ce vendredi 24 octobre, au tribunal correctionnel de Nice, cinq policiers nationaux ont dû répondre de faits de violences et d’injures islamophobes commis lors d’une interpellation dans le quartier des Moulins, en juillet.
Une demi-heure d’enfer
Cinq policiers nationaux étaient jugés, ce vendredi 24 octobre 2025, au tribunal correctionnel de Nice. Cinq hommes en uniforme, accusés d’avoir insulté, humilié et frappé deux jeunes Tunisiens lors d’une interpellation, l’été dernier, dans le quartier des Moulins. Ce quartier populaire de l’ouest niçois, qu’on décrit souvent comme “gangrené par la drogue”, a encore une fois été le théâtre d’un drame qui dépasse largement la question du trafic.
La pièce maîtresse du dossier ? Une bande audio de 32 minutes et 55 secondes, retrouvée dans le téléphone d’une des victimes. Une demi-heure d’enfer. Des bruits métalliques, des cris, des supplications. Et surtout, des insultes racistes et islamophobes, balancées sans filtre par ceux censés protéger la République. Dans la salle d’audience, quand le son est diffusé, un froid tombe. Feiza Ben Mohamed, journaliste à l’agence Anadolu, y était. Elle prend des notes. Elle écrira : « Ce qui s’est passé dans ce fourgon de police est pire que tout ce que vous imaginez ».
“T’es là pour violer des Françaises”
Sur l’enregistrement, on entend tout. Le jeune homme qui répète qu’il n’a rien fait. Les policiers qui le font taire :
— Ta gueule.
— T’es là pour violer des Françaises et voler les Français.
— Tu vas rentrer dans ton pays de suceur de chameaux.
— Tu pleures comme une pute.
Puis des coups. Des pages qu’on arrache. Un Coran qu’on piétine. La victime, en pleurs : “C’est pas bien, monsieur, respectez ça.”
L’un des policiers lâche : “Il n’y a qu’un seul Dieu, c’est Jésus. Jésus c’est pas ton Dieu de merde.”
Un autre : “Lis !”
Le jeune homme s’exécute, récite la sourate Al-Fatiha.
Rires, crachats. La salle du tribunal, elle, retient son souffle.
Les policiers plaident la “blague qui dérape”
Les cinq prévenus, suspendus depuis septembre, nient les violences. “On regrette les mots, mais ils n’étaient pas racistes”, plaide l’un. “C’était une mauvaise blague, on était à bout sous 35 degrés”, ajoute un autre.
Le procureur, lui, ne voit pas de blague : “Ce sont des propos racistes, anti-musulmans, contraires au vivre-ensemble.” Il requiert entre 12 et 18 mois de prison avec sursis, et l’interdiction définitive d’exercer dans la police nationale. “Attention, la majorité des policiers respectent les valeurs de la République, mais la justice doit être intacte”, conclut-il.
“Une peine de mort sociale” pour la défense
Les parties civiles, elles, parlent de dignité, de blessure profonde. La Ligue des droits de l’homme et la Licra saluent les réquisitions. L’avocat d’une des victimes demande 15 000 euros de dommages et intérêts.
En face, la défense parle de “peine de mort sociale”. “Certains mots ont été dits, c’est vrai. Mais on nie les violences”, plaide Maître Borghini.
La voix qui a tout enregistré
Dans le box, l’un des jeunes Tunisiens, 18 ans, déjà incarcéré pour une autre affaire, écoute. C’est son téléphone qui a tout enregistré. C’est sa voix qu’on entend trembler sous les coups. “S’il est sans aucun doute un délinquant, il a droit au respect et à la dignité”, rappellera le procureur.
Au-delà du procès, une question de République
Dans la salle, beaucoup ont les mâchoires serrées. À la sortie, on ne parle plus très fort. Parce qu’au fond, au-delà du procès de cinq policiers, c’est celui d’une certaine idée de la France qui se joue là.
Le verdict sera rendu le 10 novembre.
> A lire aussi :
Nord: enquête pour violences sur des migrants
USA : Apple boycotte les applis pour localiser la police de l’immigration
Racisme dans la police londonienne : les sanctions tombent après un reportage
