Algérie. De quoi le limogeage de Ramtane Lamamra est-il le nom ?

 Algérie. De quoi le limogeage de Ramtane Lamamra est-il le nom ?

Algerian Foreign Minister Ramtane Lamamra gives a joint press conference with the Finnish Foreign Minister (not in picture) during a Nordic-African Foreign Ministers’ meeting in Helsinki on June 14, 2022. (Photo by Antti Aimo-Koivisto / Lehtikuva / AFP) / Finland OUT

Le départ sans ménagement de Ramtane Lamamra maquillé en un souhait personnel de vouloir quitter le ministère des Affaires étrangères est la suite logique d’une longue série de désaccords avec le président algérien. Mais la goutte qui a fait déborder le vase pour le chef de l’État remonte à quelques mois, quand Tebboune a bien eu la confirmation que l’homme se préparait activement à prendre sa place.

Il faut d’abord savoir que Tebboune n’a jamais eu de sympathie pour le protégé de Chengriha. Le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra, en poste sur insistance de l’état-major algérien, a été nommé avec l’objectif de mettre le Maroc en difficulté dans toutes instances internationales sur fond de conflit du Sahara. Mais la nomination en septembre 2022 d’Amar Belani, ancien envoyé spécial chargé de la cause sahraouie et des pays du Maghreb, comme secrétaire général du ministère des Affaires étrangères en remplacement de Chakib Rachid Kaïd (un ami de longue date de l’ex-ministre) a mis quasiment à l’écart Ramtane Lamamra, au profit de l’ancien ambassadeur d’Algérie en Mauritanie qui jouait finalement le rôle du ministre au sein du gouvernement.

Depuis que Lamamra a commencé ses contacts pour préparer sa campagne présidentielle sur les conseils avisés de la France et des généraux algériens, Tebboune semble avoir été pris de panique tant l’ex-ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre sous Bouteflika, semble représenter le profil idéal pour le remplacement de l’actuel président. Surtout que Paris semble déterminée à soutenir la candidature de Lamamra contre Tebboune jugé peu fiable. A la manœuvre Patrick Durel, le conseiller chargé de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’Elysée depuis 2020.

Le monsieur Algérie et Libye du Quai d’Orsay est d’ailleurs le véritable chef d’orchestre du dernier rapprochement entre Paris et Alger, c’est lui qui a organisé notamment les deux séjours à Alger du chef de l’Etat français. Outre l’Algérie, Patrick Durel suit à l’Elysée le dossier libyen, en collaboration avec le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, Emmanuel Bonne.

Pourquoi la France veut miser sur Lamamra pour remplacer Tebboune qui se démène comme il peut pour revenir dans les bonnes grâces de Macron ?

Il y a d’abord les réseaux de Ramtane Lamamra que Paris souhaite réactiver pour reprendre pied au Mali. Le diplomate qui a placé ses hommes à Bamako depuis des décennies a d’ailleurs assisté à une audience accordée par le président aux chefs et aux représentants des mouvements politiques maliens, le 26 février, quelques jours à peine avant son limogeage.

Deuxième raison que peu de gens connaissent, c’est que Ramtane Lamamra, lui-même kabyle, jouit d’une réputation solide au sein de la communauté kabyle dont il a d’ailleurs réussi à placer un grand nombre dans le ministère qu’il dirigeait. De là à supposer que les Français veuillent en faire le président du consensus entre les Kabyles et l’establishment algérien, il y a là un pas que beaucoup d’observateurs n’hésitent pas à sauter.

En conclusion, plus isolé que jamais, Tebboune doit résoudre une équation qui relève de la quadrature du cercle. En effet, il doit s’attaquer conjointement à une crise sociale qui s’installe et se durcit et une crise politique avec les généraux qui le désarment.

Le problème, c’est que la crise sociale pousse aux concessions d’abord à la rue et ensuite aux partis politiques et aux syndicats, tandis que la seconde ne peut se résoudre que par l’intervention de Paris qui a l’oreille des gradés de l’armée. Au moment où Tebboune peine à convaincre l’Hexagone de sa capacité à lui offrir sur un plateau d’or le robinet des hydrocarbures, doublé d’une remise en selle de la France sur le dossier du Sahel.

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Abdellatif El Azizi