« Au Mali les gens souffrent car ils n’ont pas d’argent »

 « Au Mali les gens souffrent car ils n’ont pas d’argent »

Bassekou Kouyate, en concert le vendredi 18 novembre 2022, 20h30 à la Salle Jacques Brel de Pantin, à Paris.

Bassekou Kouyate, maître du n’goni (luth africain) revient en concert en France dans le cadre du festival Africolor le samedi 18 novembre à partir de 20h30 à la salle Jacques Brel à Pantin. L’occasion d’échanger avec ce descendant d’une longue lignée de griots qui a évolué avec Ali Farka Touré, Toumani Dibaté ou Paul Mac Cartney. Interview.

 

LCDL : Vous revenez en France pour jouer sur scène après des années compliquées, comment avez-vous vécu la Covid au Mali ?

Bassekou Kouyate : Déjà je suis très heureux de revenir sur scène, de retrouver le public. La scène artistique a beaucoup souffert de la crise sanitaire que nous venons de vivre. La covid a paralysé le monde entier, le Mali compris. 

Mais contrairement à l’Europe où l’on peut faire beaucoup de choses avec l’argent, ici ça été très dur. Il y a peu de travail, la situation était catastrophique, les gens n’ont pas d’argent. Personne ne venait aux concerts, il n’y avait aucune manifestation culturelle. Ce fut compliqué.

La situation du pays semble se stabiliser, ne serait-ce que sur un point de vue sécuritaire ?

Oui c’est vrai, tout se passe bien mieux grâce aux militaires qui quadrillent et découragent ceux qui voulaient faire régner la peur par la violence. Avant on ne pouvait pas se déplacer comme on le souhaitait, de nombreux endroits étaient très dangereux. Aujourd’hui on peut aller partout, on ne se retrouve plus face à face avec les terroristes. 

Mais cette sécurité retrouvée ne doit pas faire oublier le vrai problème de notre pays, la pauvreté. A cause des problèmes en Europe, notamment la guerre en Ukraine, tout a augmenté, comme le carburant qui a atteint un prix exorbitant. Les gens souffrent car ils n’ont pas d’argent.

Vous êtes issu d’une longue lignée de griots, c’est votre père qui a vous a appris le n’goni ?

Oui j’ai appris avec mon père le n’goni, un instrument à quatre cordes, sœur du banjo et grand-père de la guitare, en Afrique bien avant la naissance du Christ. Il appartenait aux griots qui, en Afrique de l’Ouest, en jouaient pour les rois, les grands marabouts.

Mon but était de faire sortir cet instrument de notre région, le faire découvrir au monde, et j’ai pu le situer sur le plan international. Le n’goni c’est le cœur de l’Afrique de l’Ouest, les griots jouent et racontent notre histoire.

Vous avez transmis cette passion à vos enfants et vous enseignez également ?

Oui mes enfants ont grandi avec le n’goni, je le leur ai appris et aujourd’hui ils jouent avec moi. A Bamako j’ai un grand centre de formation, et de nombreux élèves arrivent de partout dans le pays pour apprendre cet instrument. 

J’ai également le projet de monter une école en Europe, je viens déjà de temps en temps pour donner des cours. Mon ambition pour l’avenir est que les joueurs de n’goni soient reconnus comme les joueurs de guitare.

Vous avez toujours proposé des textes engagés, parlant du pouvoir, de la place de la femme notamment, pourquoi ?

Car c’est le travail des griots, nous devons dire la vérité sur ceux qui sont au pouvoir et parler des problèmes de société qui concernent tous les Maliens. Par exemple la liberté de la femme.

Il y avait beaucoup de mariages forcés chez nous, alors que la femme doit pouvoir choisir son mari et se mettre avec celui qu’elle aime. C’est à nous de dire ça, les griots sont la voix du peuple.

 

Bassekou Kouyate, en concert le vendredi 18 novembre 20h30 à la Salle Jacques Brel de Pantin

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Jonathan Ardines