Chroniques à Budapest : un « métèque » chez Victor Orban

 Chroniques à Budapest : un « métèque » chez Victor Orban

crédit photo : Nadir Dendoune

Notre journaliste Nadir Dendoune est à Budapest en Hongrie. Il va couvrir les Championnats du monde d’athlétisme qui démarrent ce samedi (19-27 août).

La première fois que mon squelette frêle était à Budapest en Hongrie, j’avais douze ans. On était en 1984. C’était ma première colonie de vacances à l’étranger. Ma ville, l’Île-Saint-Denis (93450), d’obédience communiste, envoyait les enfants de sa ville dans les pays du Bloc Rouge.

C’était une colo un peu spéciale. Un parcours itinérant à bicyclette d’un mois autour du lac Balaton, plus grand lac d’Europe centrale. On avait fini ce merveilleux périple en grande pompe dans la capitale hongroise. Budapest, justement, j’y suis de retour. Cette fois-ci, en tant que journaliste. Je couvre les Championnats du monde d’athlétisme qui démarrent ce samedi 19 août et qui  s’achèveront le 27 au soir.

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Pas de Bubka à Los Angeles

A l’époque de mon premier voyage en terre hongroise, en 1984 donc, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et certains de ses pays amis, venaient de boycotter les Jeux Olympiques de Los Angeles en représailles du refus des Américains de se rendre aux JO de Moscou quatre ans plus tôt. Dommage pour le perchiste et légende de l’athlétisme mondial, l’Ukrainien (à l’époque l’Ukraine est une république de l’URSS), Sergueï Bubka, champion du monde en titre du saut à la perche et grandissime favori à seulement 20 ans, qui n’avait pas pu se confronter à ses deux meilleurs ennemis français de l’époque Thierry Vigneron et Paul Quinon, aujourd’hui disparu. C’est Quinon, Cocorico ! qui remporta le titre avec une barre à 5.75m devant deux Américains, Vigneron finissait 4e. Une victoire qui laissa un goût amer à Paul Quinon, qui aurait préféré gagner contre le meilleur, contre Sergueï Bubka.

Comme pour les JO de 1984, les Russes seront de nouveau absents cette année aux Mondiaux de Budapest. Il y a quarante ans, ils avaient refusé de se rendre à Los Angeles, cette fois-ci, ce sont les États-Unis, pardon les instances internationales !, qui ont décidé de les exclure. Les athlètes russes, reconnus tous coupables comme un seul homme, de soutenir le dictateur Poutine et sa guerre illégitime en Ukraine.

Les athlètes Chinois dont leurs responsables massacrent les Ouïghours sur leur territoire, comme les sportifs israéliens, citoyens d’un pays qui bafoue régulièrement le Droit international en colonisant impunément la Palestine depuis plus de cinquante ans pourront quant à eux défendre leurs chances.  Quant aux Américains, leurs athlètes ont pu tranquillement rafler des médailles aux Championnats du monde de Saint-Denis, (93200), en 2003 tandis que leur président Georges Bush bombardait l’Irak et causait la mort à des centaines de milliers de civils sans l’aval des Nations Unies. Et je pourrais citer d’autres exemples…Bref, c’est toujours le même refrain d’hypocrisie.

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L’extrême droite au pouvoir

Aujourd’hui, je retourne donc en Hongrie qui n’est plus communiste. En octobre 1989, avant que le mur de Berlin ne tombe, la quatrième République de Hongrie est alors proclamée et des élections démocratiques sont organisées. Ouf ! Enfin, au début en tout cas. Depuis 2010, les Hongrois élisent  Victor Orbàn comme Premier ministre. Ce leader populiste d’extrême droite, depuis qu’il est à la tête de ce pays de dix millions d’habitants, a aboli progressivement les contre-pouvoirs judiciaires, médiatiques et associatifs, pour construire ce qu’il appelle sa « démocratie illibérale ». Ce n’est pas tout : il a également durci son discours sur les minorités sexuelles, les LGBT, ou les immigrés. Défendant les racines chrétiennes de l’Europe, il est par exemple contre le « mélange des races ». Sympa le type ! Et me voici, moi, et ma tronche de métèque, débarquant chez Victor Orbàn pour l’un des plus grands événements sportifs organisés en terre hongroise ces dernières années.

Pendant dix jours, Victor Orbàn va donc en voir des basanés sur son territoire, de toutes les tailles et de tous les genres ! En plus de tous ces touristes issus des quatre coins du globe qui vont venir soutenir à fond leurs concitoyens, les athlètes représentant le monde entier fouleront le nouveau stade de Budapest situé au sud de la ville. J’imagine déjà sa tête quand les athlètes américains noirs et leurs collègues jamaïcains rafleront l’immense majorité des médailles sur le sprint, et surtout quand les Africains, ceux qu’il déteste le plus, les Subsahariens et les Maghrébins étaleront tout leur talent lors des courses de demi-fond…

Nadir Dendoune