« Wissal » : la rencontre au cœur de l’œuvre

 « Wissal » : la rencontre au cœur de l’œuvre

Alexia Martin (Cie Dayma)


Quand la danse, la calligraphie arabe et la photographie urbaine se rencontrent dans un même spectacle justement nommé « Wissal ».


« Wissal », la rencontre spirituelle mais également la rencontre, tout simplement. La danseuse et chorégraphe Alexia Martin (Cie Dayma) revient pour nous sur l'importance de la rencontre entre différents univers, différentes cultures, dans sa création artistique comme dans sa vie au quotidien. Dans le cadre du festival Nous n'irons pas à Avignon, « Wissal » sera jouée à la Gare au Théâtre (Vitry-sur-Seine) du 11 au 13 juillet.


Pourquoi avoir appelé cette création « Wissal » ?


Alexia Martin : « Wissal » signifie l'union, la rencontre. C'est aussi un prénom, masculin ou féminin. « Wissal », c'est un mot utilisé plutôt dans le contexte spirituel. Dans un sens beaucoup plus large, c'est aussi la rencontre de deux êtres, de deux univers. Il y a vraiment cette idée d'unité. C'est pour ça que je l'ai choisi pour cette création, parce que c'est à la fois, la réunion dans un même espace de beaucoup d'aspects de ma création artistique (aspect urbain, gestuel, pictural), mais également la rencontre avec l’œuvre picturale de RamZ [Ramzi Saïbi, ndlr] qui fait de la calligraphie arabe urbaine.  


Comment est née cette création ?


C'est un concept qui est né petit à petit, moi j'ai été formée aux danses arabes et berbères mais je pratique également le tournoiement d'inspiration derviche depuis une vingtaine d'années. Petit à petit en tant que danseuse, j'ai été amenée à travailler dans des cultures qui ne sont pas ma culture d'origine, à rencontrer des gens d'origines très différentes, des artistes, des musiciens et à créer une sorte de patchwork d'influences très diverses, dont le foisonnement a été mon lieu de vie, le 18ème arrondissement. Un quartier marqué par une grande pluralité de cultures et de trajectoires.


Donc « Wissal » est né de mon parcours très multiple d'artiste. J'avais  envie de rendre hommage à ce quartier qui lui a donné, une possibilité, une inspiration… J'ai fait beaucoup de créations autour du 18ème. Dans « Wissal », il y a ma danse, les calligraphies de RamZ et des photographies urbaines de Behlole Mushtaq qui a photographié des lieux qui sont importants pour moi dans le 18ème et qui veulent dire quelque chose symboliquement.


Comment avez-vous rencontré les deux autres artistes présents sur le spectacle ?


Behlole c'est un musicien avec qui j'ai travaillé dans le contexte de la création de « Noor », sur les musiques spirituelles du Pakistan. Je dansais et lui était percussionniste, mais également photographe de grand talent; donc je lui avais demandé de faire ce travail pour moi dans cette autre création.


La rencontre avec RamZ est beaucoup plus ancienne. On a collaboré et travaillé ensemble depuis quasiment quinze ans sur différents projets. Et notre point commun finalement, c'est d'assumer un lien à la non-lisibilité immédiate de l'art, à l'abstraction de l'art. Aussi bien lui, avec ses calligraphies urbaines qui ne sont pas lisibles en arabe, que moi, à travers ma gestuelle qui est vraiment un mélange de danse arabe, de danse afghane, d'influences de danses spirituelles. Une gestuelle contemporaine même si je n'ai pas des codes européens. Je suis européenne mais je ne danse pas avec des codes européens.


Qu'aimeriez-vous que le public retienne de ce spectacle ?


Je dirais la complexité de l'identité humaine. C'est pour tout le monde. Qu'on soit à la fois dans une unité, une rencontre, donc le « Wissal » au quotidien. Et, à l'intérieur de cette trajectoire, chaque personne a une multitude d'influences, même quand on ne s'en rend pas compte. Donc ce spectacle, d'une manière allusive et indirecte parle de ça.


Dans ma mise en scène, je joue aussi beaucoup avec des cadres, des objets de récupération, qui viennent également du 18ème. Ces cadres, symboliquement, je me les approprie, je les déplace comme des frontières, comme un domicile, comme l'intérieur de soi donc il y a aussi cette notion de la ville, du cadre et de la richesse, la complexité de chacun. Le fait de se laisser aller aussi à ne pas forcément comprendre l'histoire. Parce qu'évidemment, là où mon travail est contemporain, c'est que chacun y comprend ce qu'il veut.


Je sais très bien ce que je dis, à quel moment je le dis mais, même si je donne des éléments, il ne s'agit pas que chacun adhère, comprenne exactement ceci ou cela, je peux avoir des retours très différents.

Charly Célinain