« Dramatique Algérie »

 « Dramatique Algérie »

Abdelmadjid Tebboune / Vladimir Poutine. RYAD KRAMDI / AFP – Mikhail KLIMENTYEV / Sputnik / AFP

« Dramatique Algérie », ce titre d’un excellent ouvrage qui avait fait du bruit à l’époque (années 60) n’a rien perdu de son actualité. En effet, à chaque initiative des tenants du pouvoir dans ce pays, le choix s’avère plutôt en contradiction totale avec les intérêts de cette nation qui dispose d’un côté de richesses naturelles en abondance et de ressources humaines qui ne manquent pas de répondant.

 

Dernière trouvaille des généraux algériens : se positionner complètement dans le camp russe dans le bras de fer qui oppose Moscou à l’Occident. Alors que même les pays africains les plus engagés avec la Russie freinent des quatre fers pour ne pas paraître soutenir ouvertement la guerre de Poutine contre l’Ukraine et voient d’un mauvais œil l’activisme des espions de Moscou sur leurs propres territoires, Alger continue d’offrir à son allié russe une base arrière pour ses incursions en Afrique. Ce qui a poussé, les services de sécurité américains à multiplier les initiatives pour convaincre Alger d’interdire son espace aérien aux avions militaires russes, qui servent notamment à acheminer le ravitaillement et la logistique aux mercenaires de Wagner pour des opérations au Mali, entre autres.

C’est grâce à Alger qui a offert l’open bar aérien aux appareils militaires russes se rendant à Bamako, que le déploiement de milliers d’hommes de Wagner a été possible au Mali. Alors que le Niger, pays frontalier du Mali, avait refusé l’ensemble des demandes d’autorisation de survol de son ciel par les autorités militaires russes et que de nombreuses voix au sein de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) s’étaient insurgées contre le refus d’Alger de bloquer l’accès des mercenaires à l’Afrique.

Le site Africa Intelligence, généralement bien informé, précise d’ailleurs que « preuve de l’activisme continu des avions militaires russes au-dessus de l’Algérie, les 30 mars et 17 avril, un Antonov 124, de la 224 Flight Unit, a ainsi livré à Bamako plusieurs équipements militaires. Après avoir survolé la Turquie et la Tunisie, l’appareil a éteint sa balise avant d’entrer vraisemblablement dans le ciel algérien. Un plan de vol sensiblement similaire utilisé le 24 avril par un IL-76 russe de la société Aviacon Zitotrans ».

Malgré le risque de déstabilisation de la région par les forces paramilitaires russes, au moment où la guerre en Ukraine, impose aux Africains de se tenir à une distance respectable de ce conflit qui ne nous concerne ni de près, ni de loin, la nomenklatura algérienne rame à contre-courant en déroulant un storytelling digne de la propagande stalinienne où l’on voit les généraux algériens tout sourire poser avec des gradés russes. Une « coopération militaire » qui a été couronnée par la tenue d’un exercice militaire conjoint avec la Russie, le long de la frontière avec le Maroc le 4 avril dernier. Le show qui a été le fait d’une demande provenant de la hiérarchie de l’état-major algérien avait été bouclé en mars dernier à l’occasion de la visite discrète du directeur de la coopération militaire russe, Dimitri Chouguaev, dans la capitale algérienne pour finaliser tout cela avec le chef d’état-major algérien Saïd Chengriha.

Bien sûr, entre les gradés algériens (à leur tête Saïd Chengriha) et Moscou, on ne peut évacuer le faible qu’ont ces officiers supérieurs avec la Russie où ils ont effectué leurs études, un pays qui reste aussi le principal fournisseur de matériel militaire de l’Algérie, mais ces généraux sont-ils inconscients à ce point pour servir de cheval de Troie à Moscou et permettre ainsi aux Russes l’installation de bases militaires en Libye et, cerise sur le gâteau, d’offrir à ses mercenaires sur un plateau en or le sort de régimes africains déjà bien fragilisés par leur allégeance à l’ex-colon français.

Est-ce bien là, le sort funeste de ce magnifique pays, patrie de milliers de martyrs de la liberté et de l’indépendance : une servitude volontaire pour « vendre » l’Afrique aux Russes ? Nombreux sont les Algériens qui voient dans ces dérives les traces annonciatrices d’une condamnation de l’Algérie par la plupart des instances internationales du fait, tout de même de l’irresponsabilité de ses dirigeants. Les uns et les autres doivent affronter aujourd’hui une vérité redoutable parce qu’elle véhicule des mythes séculairement opposés : ce sont bien les têtes pensantes de ce pays, chantre de la décolonisation de l’Afrique, qui a fortement contribué par le passé, à l’éveil du panafricanisme, au mouvement des pays non alignés qui s’activent désormais dans les coulisses pour introduire le loup soviétique dans la bergerie africaine.

 

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Abdellatif El Azizi