Figuig : La palmeraie millénaire « défigurée » par une route goudronnée

 Figuig : La palmeraie millénaire « défigurée » par une route goudronnée

L’oasis millénaire de Figuig (photo Alef)

Les habitants du Ksour Lâabidate de Figuig n’en ont pas cru leurs yeux ! A la sortie du confinement, des engins de chantier commençaient leurs travaux de sape pour la construction d’une « route touristique » au milieu de la palmeraie. Ils demandent la suspension des travaux, une consultation environnementale et citoyenne pour éviter une catastrophe irrémédiable.

 

Figuig, La palmeraie millénaire
Figuig, La palmeraie millénaire (photo Alef)

Figuig. Un nom qui sonne de manière particulière dans l’oreille des Marocains et notamment des plus anciens. Lors de la grande famine de 1940, on avait l’habitude d’entendre que les dattiers de Figuig pourraient sauver les habitants du Royaume.

S’étalant sur une trentaine de kilomètres, l’oasis se situe à 368 km au sud d’Oujda et à 250 au nord est de Merzouga. 100 000 dattiers, des arbres fruitiers et de l’eau qui permet dans ce climat semi aride de nourrir ses habitants et au delà. Frontière avec l’Algérie, Figuig, c’est une ville-palmeraie, composée de 7 ksours (quartiers) et qui se niche entre plusieurs petites montagnes. Avec son microclimat particulier, elle a su depuis sa naissance, il y a mille ans, préserver son patrimoine. Enfin, Figuig, c’est aussi un coeur historique du judaïsme au Maroc avec une synagogue, vieille de plusieurs centaines d’années.

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Des engins de chantier au milieu des dattiers

Aussi, c’est dire si les habitants de Figuig se sont réveillés avec une sacrée surprise à la sortie du confinement. Une pancarte orne le ksour de Lâabidate indiquant que des travaux débutent. Au centre du projet : la région de l’Oriental, qui effectue des améliorations dans le cadre d’un programme de pistes rurales. Cette « route touristique » d’une longueur de 3,63 kilomètres, relie deux localités Tachroumt, en périphérie de la palmeraie et Azrou, qui est en plein coeur de la palmeraie.  La route prévu va compter 6 mètres d’emprise dont 4 mètres de goudron.

Zacaria Lahsine est vice président en France de l’association AELF dont le but est la promotion de la ville de Figuig dans son ensemble au Maroc et à l’étranger à travers des projets culturels ou de développement. « Les gens ont commencé à voir des bulldozers, près du panneau. 2-3 jours après, les machines ont commencé à s’activer. Dès lors, on a appris ce projet de route qui était prévu sans consultation des habitants de Figuig. Ca a été un vrai choc. »

Les dattiers millénaires de Figuig arrachés par les engins de chantier (photo ALEF)
Les dattiers millénaires de Figuig arrachés par les engins de chantier (photo ALEF)

La municipalité assure que le projet existe depuis 2017 et évoque « un malentendu et une mauvaise compréhension de la situation. » De son coté, l’association ALEF certifie qu’ils n’ont jamais été avertis par de tels travaux. « On nous met devant le fait accompli, indique Zacaria. Le projet n’a pas été exposé. On ne l’a su que lors des débuts des travaux. »

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Pas d’études d’impact environnemental ni d’avis citoyen

Le tracé prévoit de passer au milieu de la palmeraie et Zacaria Lahsine ne voit pas comment cela peut éviter les dattiers. « Il y avait une route en terre actuellement, en mauvais état. Elle va passer au milieu des champs et il y aura forcément des arrachages d’oliviers et de palmiers. »

Il déplore le fait qu’il n’y ait pas eu « d’études d’impact environnemental. S’il n’y en avait une, la route n’aurait pas été planifiée telle qu’elle est aujourd’hui. »

Pourtant, l’association ALEF comprend les nécessités de la création d’une route mais elle souhaite que l’on tienne compte de certains critères comme l’environnement et de l’avis des habitants. « Nous sommes demandeurs. Mais nous ne voulons pas d’une route de 6 mètre de large, qui détruisent des palmiers et des arbres. On ne veut pas dénaturer ce paysage magnifique mais surtout, on ne veut pas qu’un tel projet soit fait sans l’assentiment des habitants. »

Avec 7 associations de Figuig en France, la diaspora se mobilise pour discuter avec les autorités de ce projet. « Nous avons envoyé ce communiqué à la Mairie, à la Région de l’Oriental qui est le maitre d’ouvrage. En l’occurence, nous ne voulons pas l’arrêt des travaux mais la suspension afin de poser le projet à plat, d’avoir une concertation des habitants de Figuig et de savoir ce qui peut être le mieux pour la palmeraie. On veut une route mais pas de ce type-là. Afin de désenclaver les jardins, on aimerait une route piétonne, cyclable et d’une largueur moindre que les 6 mètres aujourd’hui. »

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Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.