Gauches – Islamistes : « Pourquoi tant de haine ? »

 Gauches – Islamistes : « Pourquoi tant de haine ? »


Du 5 au 7 mai 2015 se tient à l’Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence un colloque international sous le thème « Historicité et actualité, défis et réponses à la fracture idéologique des oppositions arabes ». Sous-titré « Gauches – Islamistes : pourquoi tant de haine ? », l’évènement affiche en partenariat avec WAFAW et l’IREMAM un panel de speakers prestigieux avec notamment l’ex président Moncef Marzouki et les politologues et spécialistes du monde arabe François Burgat et Stéphane Lacroix.




 


Recourant au néologisme « conjoncture post-printanière », le colloque n’en aborde pas moins une problématique toujours d’actualité, encore au cœur du débat politique tunisien dominé par une phase mouvante de mutation du paysage politique, avec une redistribution des cartes à l’aune de la création de nouveaux partis d’opposition qui tentent de dépasser le clivage islam politique / gauche sociale, à l’image du Harak de Moncef Marzouki qui persiste et signe sur cette voie ou encore d’Attayar de Mohamed Abbou.


Ainsi le 5 mai la conférence inaugurale ouverte au publique a été donnée par Moncef Marzouki. L’invité de marque est revenu sur le bilan de l’expérience tunisienne de cohabitation entre les islamistes et les formations de gauche, avec une communication intitulée « La fracture gauches / islamistes dans le monde arabe : une solution tunisienne », en somme la doctrine Marzouki. Un credo qui survit à la demi-trahison d’Ennahdha qui a choisi, au nom du pragmatisme, une alliance avec Nidaa Tounes lui permettant de rester partiellement au pouvoir.


« Quatre ans après le lancement de la dynamique printanière arabe, la  fracture  entre les gauches et les islamistes, instrumentalisée par les forces contre-révolutionnaires intérieures ou arabes aussi bien que par l’environnement occidental, apparaît comme l’un au moins des principaux obstacles à l’approfondissement des transitions démocratiques », note Burgat pour qui la nature des relations entre les gauches et les islamistes a été déterminante dans l’évolution des  processus de changement entamés durant le Printemps arabe : « les forces contre-révolutionnaires intérieures ont  instrumentalisé la polarisation souvent extrême entre ces deux camps pour faire avorter les aspirations au changement ».


Un peu partout dans la région, de timides mais prometteurs rapprochements entre gauches et islamistes s’étaient pourtant opérés au cours de la période de coexistence oppositionnelle, constate Wafaw (acronyme de « When Authoritarianism Fails In The Arab World »). Pour les Egyptiens, ils avaient pris la forme des explorations intellectuelles conduites, depuis le début des années 1990, dans les « Dialogues islamistes-nationalistes » initiés notamment par le Soudanais Hassan Tourabi. En Tunisie, pays  où les pratiques de la Ligue des Droits de l’Homme avaient dès les années 1980 préfiguré les possibilités de rapprochement entre les deux principales composantes du champ partisan, ils avaient  permis l’historique appel « du 18 octobre » (2005).


Ces efforts ont assez mal résisté à l’épreuve des premières urnes « du printemps », partout nettement favorables aux islamistes. Les relations se sont explicitement dégradées à l’épreuve du pouvoir. Dans les deux cas, tunisien et égyptien, les plus emblématiques, les gauches ont fait, dans leur majorité, prévaloir leur logiciel « anti-islamiste » sur leur vocation oppositionnelle. Les grandes figures de la gauche marxiste égyptienne se sont ainsi solidarisées avec la déposition du président élu. Entrées prioritairement en opposition aux islamistes, elles ont ainsi joué de facto dans le camp de la contre-révolution. En Tunisie, les islamistes au pouvoir ont eu des difficultés à intégrer l’acteur syndical dans le champ des interlocuteurs possibles. La tentation de satisfaire leurs bases conservatrices a souvent poussé les islamistes au pouvoir vers des options législatives qui ont pu être perçues par leurs concurrents de gauche comme contrevenant au respect des libertés individuelles et des droits des minorités.


Aujourd’hui 6 mai se tiennent quatre ateliers (Algérie 9h30, Tunisie 11h, Maroc 14h, Egypte 15h30), où deux acteurs des courants concernés rappelleront, sous la coordination d’un modérateur, les principaux jalons historiques des relations Gauches / Islamistes, et présenteront leurs expériences et leurs réflexions personnelles dans le contexte de la conjoncture post-printanière.


Le 7 mai à Cassis, sur le site de la fondation Camargo, un atelier informel clôturera la rencontre.


 


S.S


 

Seif Soudani