Haut-Karabagh : « Le droit international a été rétabli » (S.E. R. Mustafayev)

 Haut-Karabagh : « Le droit international a été rétabli » (S.E. R. Mustafayev)

L’ambassadeur en France, S.E. Rahman Mustafayev (DR)

Les combats entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont duré du 27 septembre au 9 novembre 2020. Après un accord de fin des hostilités, sous l’égide de la Russie, la région du Haut-Karabagh en Azerbaïdjan retrouve enfin le calme. Pour l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, S.E. Rahman Mustafayev, « les principes du droit international ont été rétablis ».

Le Courrier de l’Atlas : Les hostilités ont cessé au Haut-Karabagh. Comment jugez-vous la situation ?

S.E. Rahman Mustafayev : Les principes du droit international et de la « justice historique »ont enfin été rétablis. Les territoires du Haut-Karabagh, ainsi que les sept districts avoisinants occupés par les forces armées arméniennes dans les années 1991-1994 (représentant 16% du territoire de mon pays), ont été libérés. Il s’agit d’un événement unique dans l’histoire récente des relations internationales. Pour la première fois, un pays membre de l’ONU a réussi à mettre en œuvre les principes du droit international tout seul ! Malgré 4 résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU adoptées en 1993, restées lettre morte pendant près de 28 ans, nous avons pu faire respecter le droit. Une nouvelle ère commence maintenant : celle de la renaissance des territoires précédemment occupés et à terme, je l’espère, du rétablissement des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Pour l’heure, nous en sommes loin et ce ne sera pas facile car les sentiments revanchards dominent encore largement dans la société arménienne.

Au coeur du conflit, se pose la question des réfugiés et des personnes déplacées. Quel processus compte mettre l’Azerbaïdjan en place et comment allez vous garantir les droits des arméniens du Haut-Karabagh ?

S.E. Rahman Mustafayev : Après l’occupation de la région, nos villes, nos villages, nos biens culturels, nos cimetières ont été détruits. De nombreuses routes ont été minées. Par conséquent, il y a un énorme travail à faire pour le retour des 750 000 réfugiés azerbaïdjanais dont les droits ont été violés pendant 30 ans. En Occident, il est de bon ton de parler de droits de l’homme mais peu de voix se sont élevés pour rappeler les droits violés de ses réfugiés azerbaïdjanais.  Ils vont enfin pouvoir les retrouver ! En ce qui concerne les arméniens du Haut-Karabagh, notre position est claire. Leur statut est déterminé par les résolutions dédiées du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui font référence aux « arméniens de la région du Haut-Karabagh de la République d’Azerbaïdjan ». Ce sont nos citoyens ! Nous assurons dans notre pays, l’égalité des droits à tous les citoyens sans distinction d’ethnie et de religion, conformément à la Constitution. L’Azerbaïdjan est la première république parlementaire dans le monde musulman, où la tolérance et la laïcité y règnent depuis 1918. Elles font partie de notre ADN.

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Pensez vous que le conflit du Haut-Karabagh est de nature religieuse ?

S.E. Rahman Mustafayev : Reprenons les faits tels qu’ils sont. La partie arménienne n’a d’argument ni historique ni juridique dans ce conflit. Elle souhaite le présenter comme un conflit interreligieux afin d’obtenir le soutien des Chrétiens de France et d’autres pays d’Europe. Or nous sommes loin de cette question. Nous sommes sur la ligne du droit ! La réalité du conflit est l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par les forces armées arméniennes, comme le confirment les résolutions du Conseil de Sécurité et les décisions de nombreuses organisations internationales. Il s’agit d’une question politique avant tout !

Mais on ne peut pas nier la forte présence des Arméniens dans cette région…

S.E. Rahman Mustafayev : Nous ne nions pas cette présence. Bien au contraire ! Si on se réfère à l’histoire, avant la chute de l’Union soviétique, la région du Haut Karabagh, sous administration de l’Azerbaïdjan, était une région multiethnique et multiconfessionnelle. Selon un dernier recensement réalisé en 1989 avant le début du conflit, les Azerbaïdjanais y représentaient 22 % de la population, et les Arméniens 74 %. Par ailleurs – et ce fait est toujours « oublié » par les médias et les rapports officiels –, pas moins de 48 minorités ethniques et religieuses (musulmanes, juives et chrétiennes) étaient présentes dans la région, parmi lesquelles des Russes, des Ukrainiens, des Biélorusses, des Juifs, des Bulgares, des Grecs, des Allemands, des Polonais et d’autres ethnies, qui représentaient près de 4 % de sa population. Pendant la guerre, les séparatistes arméniens ont chassé toutes ces minorités religieuses. C’est à dire, que nous sommes passés de la souveraineté de l’Azerbaïdjan qui a préservé cette diversité à celle d’une Arménie qui l’a transformé en une grande caserne militaire mono-ethnique.

Comment comprenez vous alors le débat actuel sur le communautarisme ?

S.E. Rahman Mustafayev : L’Azerbaïdjan pourrait servir d’exemple à la France en la matière. Nous sommes une République laïque dans laquelle nous n’avons pas de communautarisme en tant que tel. Hélas, en France, je pense qu’en raison de nombreuses considérations électoralistes, politiques et autres, certaines sphères d’influence (sénateurs, députés, maires, journalistes, etc.) mettent en avant les intérêts de la communauté arménienne au-dessus des intérêts de la communauté azerbaïdjanaise. Pire, ce « communautarisme » à outrance en oublie que ce qu’elle défend va au-dessus même de la loi internationale et de la législation française. Nous le répétons :  notre République laïque n’aspire qu’au respect des normes et principes du droit international qui sont de notre côté.

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.