« Knatry », une simulation de contrebandier qui fait polémique

 « Knatry », une simulation de contrebandier qui fait polémique

Le jeu met en scène un modèle de véhicule bien connu des transporteurs en Tunisie

Le créateur de ce jeu vidéo au développement 100% tunisien, Chaouki Lajnef, n’est pas peu fier de son produit final. Intitulé « Knatry », littéralement « contrebandier » en argot tunisien, le jeu fait sensation depuis sa sortie le 9 août comme application gratuite pour smartphone sur l’écosystème Android. Ethiquement controversé ? Contacté par Le Courrier de l’Atlas, le développeur explique sa démarche.   

 

Knatry
Déjà téléchargé plus de 10 mille fois sur le Play store Google, le jeu attise manifestement la curiosité des joueurs

Le jeu part d’un postulat plutôt insolite, mais qui ne fait pas l’unanimité s’agissant de sa réception. Sur les réseaux sociaux tunisiens, les internautes sont ainsi divisés entre condamnation et indulgence. « Même si vous trouvez que la qualité du jeu laisse à désirer, soutenez au moins vos compatriotes ! », tempère un jeune joueur.

Second degré ? Le créateur s’explique

« Je n’avais aucune expérience en matière de développement. J’ai voulu la conception d’un produit d’un genre nouveau, affirme Chaouki Lajnef. C’est le fruit de l’investissement de mon temps pendant le confinement, lorsque j’ai entrepris de m’aventurer dans le monde du gaming. Je suis fier d’annoncer le premier jeu 3D à la saveur intégralement tunisienne ».

Le jeu propose de vivre l’expérience des contrebandiers transportant notamment du carburant, à travers trois de leurs circuits frontaliers les plus importants avec l’Algérie : Feriana, Gafsa, et Jelma… Le tout en évitant les patrouilles des douanes, sur fond sonore de musique populaire.

En cela il rappelle le principe de GTA (Grand theft auto), succès vidéoludique autour du thème du grand banditisme. Il interpelle aussi par un réalisme et une précision qui en disent long sur une connaissance accrue du terrain de jeu de ces péripéties dans la vie réelle.

« Je n’ai certes pas vocation à concurrencer les studios les plus prestigieux en matière de développement de jeux vidéo. Néanmoins j’estime avoir gagné mon pari ne serait-ce qu’en faisant mon entrée dans ce marché mondial avec un titre uniquement réalisé par mes propres moyens. Que cela serve de source d’inspiration : rien n’est impossible ! Durant ce mois de dur labeur avec des hauts et des bas, le soutien de mon épouse a été déterminant, tout comme les critiques acerbes de mon fils et de mes amis qui m’ont guidé dans ce processus. Salutations aux contrebandiers ! », lance Lajnef, décidément taquin.

Mais 24 heures après la parution du jeu, il doit déjà répondre aux critiques et autres accusations :

« Je pense que nous avons un problème d’interprétation en Tunisie, aggravé par des complexes et des tabous. Comme je l’ai expliqué le jeu m’a coûté beaucoup d’efforts et fut pensé dans un cadre humoristique. Certains trouvent le moyen aujourd’hui de le politiser en parlant d’un « signe de la faillite politico-morale du pays » et de « péril néfaste pour les jeunes générations ». La plupart ne connaissent probablement pas la dure réalité économique de nos régions du sud et n’ont même pas essayé le jeu. Quoi qu’il en soit le jeu a été classé par les plateformes de diffusion comme étant destiné aux 3 ans et plus, donc non violent. Cela ne fait que me motiver davantage en vue d’une version iOS mais aussi très prochainement une version jouable en réseau », conclue-t-il.

En Tunisie, les dernières estimations du poids de l’économie informelle font état d’au moins 30% des 40,6 milliards du budget de l’Etat en 2019. D’autres experts l’établissent à 40%.

Pour la communauté scientifique, le succès des jeux vidéo violents ne coïncide pas à ce jour avec une recrudescence des crimes violents perpétrés par les jeunes.

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Seif Soudani