IBTISSEM GUEFRACHI, les plantes, ces antibiotiques naturels en puissance

 IBTISSEM GUEFRACHI, les plantes, ces antibiotiques naturels en puissance

crédit photo : Ibtissem Guefrachi


Cette biologiste tunisienne de 35 ans travaille à la découverte d’une nouvelle génération d’antibiotiques issus du monde végétal. Une voie pour sortir de l’impasse thérapeutique dans la lutte contre des bactéries multirésistantes.


Depuis dix ans, vous n’avez cessé d’étudier l’interaction des plantes avec les bactéries. Pourquoi ce sujet de recherche pour le moins ­original ?


Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours été captivée par la nature et les végétaux en particulier. A 6 ans, j’ai été hospitalisée pour une allergie aux fleurs. J’ai été subjuguée par le travail des infirmières. L’une d’entre elles m’a offert une blouse blanche que j’ai conservée pendant des années. La vie des végétaux et le travail en laboratoire sont mes deux passions. J’ai naturellement opté en 2008 pour des études sur la biologie des plantes à la faculté des sciences de Gabès, en Tunisie. J’y ai appris que les végétaux et les micro-organismes “faisaient bon ménage”. Un thème de curiosité et d’étude inépuisable. J’ai donc soutenu, en 2015, ma thèse ­de docteur en sciences biologiques sur le sujet, avec une mention très honorable et les félicitations du jury. C'est un projet de recherche doctoral en cotutelle qui s'est construit entre la faculté des sciences de Gabès et de l’université Paris-Sud. En 2016, j'ai remporté le prix de la meilleure thèse de doctorat par le comité mixte franco-tunisien pour la coopération universitaire pour ma thèse "Bacteroid differentiation in Aeschynomenes plant legumes".


 


Comment avez-vous découvert le potentiel antibiotique de certaines protéines végétales ?


De fil en aiguille… Mes recherches sur l’écosystème des plantes et la ­minimisation de l’utilisation d’engrais azoté en agriculture m’ont amenée à observer que les végétaux se sont adaptés pour permettre la ­cohabitation entre leurs propres cellules et des milliers de bactéries. Ce développement symbiotique entre plantes et bactéries ne connaît pas de phénomène de résistance. Travaillant avec Peter Mergaert, chercheur au CNRS et responsable d'équipe "Interactions plantes bactéries" à l'I2BC Gif-sur-Yvette, j'ai découvert que certaines plantes comme Aeschynomenes, la luzerne, le pois, la lentille, les arachides,… produisent des péptidiques symbiotique qui ont une activité antibactérienne sur les pathogènes des plantes et des humains. Je teste leur action contre des bactéries et champignons pathogènes fréquents chez l’homme, comme le Candida albicans, responsable de mycoses génitales ou de candidoses, et la Chlamydia trachomatis, une infection sexuellement transmissible.


 


Quelles perspectives ouvrent vos travaux et quels sont vos ­projets à long terme ?


La résistance aux antibiotiques est devenue une ­urgence ­sanitaire mondiale. Cette recherche est une promesse. Celle d’une nouvelle génération de médi­caments, antibiotiques naturels sans risques de multirésistance ni effets secondaires. Une fois ce projet achevé, et à long terme, j’envisage de rentrer en Tunisie pour y fonder un laboratoire sur l’interaction entre plantes et microbes. Les mécanismes symbiotiques observés chez les légumineuses pourraient aussi permettre de trouver les moyens d’améliorer la fixation de l’azote dans les cultures non légumineuses, avec pour conséquences une réduction du recours aux engrais azotés et des effets positifs sur le changement climatique et la pollution des eaux. 


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Bernard Banga