Monsef Benkirane : « “Ce qu’on cherche, c’est la guérison complète des malades du sida”

 Monsef Benkirane : « “Ce qu’on cherche, c’est  la guérison complète  des malades du sida”

crédit photo : Cyril Sarransthe de Menthière/IGH-CNRS


Responsable du laboratoire de virologie moléculaire de l’Institut de génétique humaine de Montpellier, le chercheur et son équipe viennent de livrer une avancée majeure dans la lutte contre le VIH. Un espoir de guérison dans un avenir proche.


Avec votre équipe, vous avez découvert un marqueur de cellules “réservoir” du VIH chez les malades, qu’est ce que cela signifie ?


Depuis que la trithérapie a été introduite, en 1996, on sait qu’il y a ce réservoir et qu’il faut s’y attaquer pour guérir la maladie. Il est constitué de cellules qui contiennent le virus intégré dans leur génome, mais dormant. Une cellule sur un million constitue le réservoir et nous n’avions aucun moyen de savoir laquelle est la bonne (lire l’encadré). Nous pouvons désormais nous y attaquer grâce à un marqueur, comme un drapeau à la surface, ce qui rend le ciblage de ces cellules possible. Il nous reste une petite partie qui n’est pas identifiée. Il va donc falloir aller vers le 100 %.


Les messages de malades affluent depuis l’annonce de votre découverte, le bout du tunnel est-il proche ?


Il ne faut pas prendre ce travail comme une fin, c’est un début. Tout commence aujourd’hui. A travers le monde, tous les groupes de recherche qui s’intéressent au réservoir se sont mis à travailler sur cette découverte. Il va falloir qu’on comprenne ce mécanisme pour définir des stratégies thérapeutiques efficaces. Pour la première fois, nous allons pouvoir œuvrer sur les cellules “réservoir” établies chez les patients. Jusqu’à maintenant, on travaillait sur des modèles. Ce qu’on cherche, c’est la guérison complète. Que le patient puisse arrêter son traitement sans qu’il y ait de rebond viral, en dessous d’un seuil qui ne permette plus la transmission du virus. Il faudra quelques années pour ça.


La science se mondialise et la compétition s’organise depuis que votre découverte a été publiée, cela ne vous gêne pas ?


Non. La compétition, quand elle est honnête, reste positive. La science appartient à tout le monde. Nous avons fait cette découverte, car il y avait un sérieux état d’avancement pour pouvoir la faire. La recherche est internationale et il faut qu’elle le soit. Il faut aussi que tout le monde s’y intéresse et que chacun apporte sa vision, ses compétences. J’espère que beaucoup de groupes dans le monde vont se lancer pour arriver à l’objectif final : proposer une stratégie thérapeutique efficace pour les patients.


 


FINI LA TRITHÉRAPIE À VIE ?


Jusqu’à cette découverte, le traitement du sida butait sur des cellules qui cachaient le virus, ce qui nécessitait un traitement à vie par trithérapie des patients infectés. Ainsi, les cellules qui produisaient le virus mouraient et les malades pouvaient, grâce au traitement, vivre normalement. “Mais dès qu’on arrêtait le traitement chez des patients qui n’avaient plus de virus dans le sang, on le voyait réapparaître, ce qui nous indiquait l’existence d’un réservoir viral contenant le virus mais qui n’était pas la cible de la trithérapie”, explique Monsef Benkirane. Trop rare, ce réservoir n’avait jamais été détecté jusqu'à ce que le chercheur et son équipe s’y attellent, ouvrant ainsi la voie à une guérison complète dans les années à venir.


 


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