Lassées par l’islamophobie : ces élites musulmanes qui quittent la France

 Lassées par l’islamophobie : ces élites musulmanes qui quittent la France

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Lassés du racisme quotidien, de jeunes diplômés musulmans français ont décidé d’émigrer vers des pays plus tolérants. C’est ce que révèle un article passé relativement inaperçu. Pourtant il pointe une réalité de plus en plus importante. Celui de l’exode des diplômés musulmans de France.

Les affaires de voile, et surtout, la vague d’attentats islamistes qui a endeuillé le pays en 2015, ont entraîné une accentuation de l’Islamophobie en France. Au point, selon le New York Times (lien payant en anglais), de pousser au départ certaines élites musulmanes. Un phénomène que le quotidien américain estime peu abordé dans l’Hexagone à quelques semaines de l’élection présidentielle.

Poussés par un climat de plus en plus hostile à leur égard, de nombreux jeunes musulmans préfèrent partir et tenter leur chance ailleurs qu’en France. Un sentiment de non-appartenance que l’actuelle campagne présidentielle ne fait que renforcer selon les journalistes Norimitsu Onishi et Aida Alami.

Même si aucune donnée ne permet de chiffrer le phénomène, le sociologue Julien Talpin, qui a coréalisé une enquête sur les émigrés musulmans, a confirmé la réalité décrite par l’article le 16 février sur RFI. « Il est difficile de savoir si l’on parle de dizaines de milliers de personnes (…) ou juste de quelques milliers, mais ce n’est pas anecdotique », a estimé le chargé de recherche au CNRS.

 

Campagne électorale hostile aux musulmans

Pour le chercheur, le départ de Français musulmans s’explique avant tout par un climat « étouffant ». Un terme qui est revenu plusieurs fois lors de 150 entretiens approfondis qu’il a menés. Les nombreux débats dans les médias sur l’islam et les musulmans nourrissent ce sentiment, note l’expert.

Envisageant de s’expatrier, Reda, étudiant de 24 ans en informatique interrogé par France 24, insiste également sur la récurrence, dans les médias, des thématiques autour de l’islam, notamment celle du port du voile dans l’espace public. Quand « je vois tous ces débats, ça m’exaspère parce que dans la plupart d’entre eux, il n’y a aucun musulman », explique-t-il.

« Nous sommes dans un contexte particulier, celui de la campagne électorale, où certains sujets sont particulièrement plébiscités par les candidats, comme celui de l’islam », souligne de son côté Mihaela-Alexandra Tudor, maîtresse de conférences à l’Université Paul Valéry de Montpellier

 

L’épuisante discrimination au quotidien

Mais, le discours politique n’est pas le seul responsable. Accès à l’emploi, évolution de carrière, accès au logement ou encore dans la vie quotidienne : les musulmans ont le sentiment de devoir en permanence lutter contre la discrimination.

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Lassés d’être confrontés à ces obstacles et épuisés par cette hostilité sourde, de jeunes diplômés musulmans français émigrent donc vers des pays plus tolérants. Là où, par exemple, le port du voile ne pose pas problème. Il s’agit principalement de pays anglo-saxons : Angleterre, États-Unis et Canada en tête. Dans l’article, Mehdi Bouhassoune explique ainsi qu’il a quitté la France pour Londres. Il est ensuite allé à Singapour pour ne plus subir de discrimination.

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Selon Jérémy Mandin, chercheur à l’université de Liège également interrogé sur RFI, le climat d’islamophobie lié au contexte terroriste en France apparaît comme un élément majeur dans la prise de décision de partir. Il note en outre que les chiffres des actes antimusulmans ont fortement augmenté ces dernières années. La hausse la plus notable – une multiplication par trois – a eu lieu en 2015, l’année où les attentats islamistes ont endeuillé la France.

Rached Cherif