Les réfugiés, un trésor en friche ?
Alexandre Pamart, Consultant en relations bancaires internationales et communication stratégique, diplômé de l’IRIS et de l’INSEEC, en préparation d’un executive PhD en Stratégie et Sécurité au CEDS.
Contrairement aux idées reçues, les apports économiques, culturels et sociaux des réfugiés pour les pays d’accueil sont une réalité bien tangible. Une même patrie d’origine, plusieurs pays d’accueil et au final, des destinées internationales inédites. Exemple de la diaspora afghane en Europe et au Moyen-Orient.
Par Alexandre Pamart Consultant en relations bancaires internationales et communication stratégique, diplômé de l’IRIS et de l’INSEEC, en préparation d’un executive PhD en Stratégie et Sécurité au CEDS.
Femme médecin humanitaire au Pakistan récompensée par l’ONU, écrivain et cinéaste nominé au festival de Cannes et résidant en France, multi-entrepreneurs à Dubaï, commerçants matières premières avec l’Asie vivant en Ukraine, ou encore un philanthrope aux Etats-Unis engagé pour l’assistance aux réfugiés… tous ces profils partagent deux points communs. Le premier est d’avoir quitté leur terre natale, l’Afghanistan, en raison de la guerre. Le second est leur contribution au rayonnement international de leur pays d’accueil que ce soit d’un point de vue économique, culturel ou social si ce n’est pas les trois en même temps.
Les diasporas jouent un rôle dans les transferts de connaissances, les investissements et les initiatives sociales dans les pays d’origine. Les apports des réfugiés à leur pays d’accueil sont tout aussi remarquables. La diaspora afghane compte 2.6 millions de réfugiés dans le monde.
Partons à la découverte d’Afghans ayant eu une résonance dans le pays d’accueil et à l’international !
Pakistan : Médecin humanitaire engagée au Pendjab pour l’accès des femmes à l’éducation
Le Dr. Saleema Rehman est l’une des rares réfugiées afghanes à avoir obtenu un doctorat de médecine au Pakistan. Poussée par le souhait de servir l’humanité, elle a su convaincre son entourage pour accéder à ce cursus très sélectif dans une université du Pendjab. Spécialisée par la suite en gynécologie obstétrique, elle s’est investie pour apporter des soins aux femmes et aux autres malades.
En juin 2021, elle a ouvert une clinique au Pendjab pakistanais allant jusqu’à proposer des soins gratuits pour les plus démunis. Cerise sur le gâteau, de nombreux patients soignés dans la clinique finiront par remettre en question des traditions locales rigides, quant au droit d’accès des femmes à l’éducation. Son engagement médical et social au Pakistan, terre d’accueil, furent récompensés en 2021 par la remise du prix Nansen du Haut-Commissariat Pour Les Réfugiés de l’ONU, région Asie (Site InfoMigrants, version dari, Afghanistan).
Émirats arabes unis (EAU) : Des travaux de construction à la gestion d’affaires à Dubaï
Les EAU sont qualifiés de havre de paix depuis de nombreuses années par les Afghans. Le savoir-faire des travailleurs afghans dans le domaine de l’agriculture et de la construction est très prisé depuis le début des années 1970, période de fort développement des Émirats. Lors de la guerre contre l’URSS, les EAU furent un grand soutien humanitaire pour l’Afghanistan.
La plupart des travailleurs afghans résident à Al-Aïn, mais ils sont nombreux à vivre aujourd’hui à Dubaï. Les femmes jouissent de plus d’autonomie dans ce pays. Le contexte est très favorable à l’entrepreneuriat et certains Afghans ont su mener des affaires dans les secteurs du textile, de la restauration ou encore de la bijouterie. Le célèbre marché traditionnel de l’or, Dubaï Gold Souk, offre d’ailleurs des opportunités séduisantes pour ces entrepreneurs afghans (Khaleej Times, UAE is our haven).
Ukraine : Une diaspora à Odessa au cœur du commerce entre l’Asie et l’Europe de l’Est
Environ 3 000 Afghans résident à Odessa. Cette diaspora remonte à plus de trente ans, c’est-à-dire à l’époque de la présence soviétique en Afghanistan. La plupart d’entre eux sont aujourd’hui des citoyens ukrainiens, très souvent mariés à des femmes locales. Grâce à un sens du commerce, des capacités linguistiques et un réseau de connaissances en Asie, cette petite communauté a joué un rôle fondamental dans le développement des échanges entre l’Ukraine, la Chine et le sous-continent indien.
L’Ukraine a pu trouver un débouché supplémentaire pour exporter certaines denrées alimentaires vers l’Afghanistan (huile, sucre, farine). Les exportations vers l’Ukraine depuis le sous-continent indien (coton du Pakistan), ou la Chine (appareils électroménagers), furent aussi stimulés par cette diaspora (Site InfoMigrants, version dari, Afghanistan).
France, États-Unis : Des films, des best-sellers et un engagement pour les réfugiés dans le monde
L’écrivain et réalisateur franco-afghan Atiq Rahimi avait étudié au lycée français en Afghanistan, puis il se réfugia au Pakistan en 1984. Il reçoit l’asile politique en France et obtient un doctorat dans le domaine de la communication audiovisuelle à la Sorbonne. Le livre « Terre et cendres » (adapté en 2004 au cinéma, nomination au festival de Cannes, obtention du prix Regard vers l’Avenir), ainsi que « Pierre de patience » (adapté au cinéma en 2013, obtention de plusieurs nominations), sont deux œuvres particulièrement connues.
Vivant aux États-Unis où sa famille a obtenu l’asile, Khaled Hosseini est un écrivain afghano-américain. Ce médecin de formation est notamment l’auteur du best-seller « Les cerfs-volants de Kaboul ». Il a établi la fondation Khaled Hosseini en lien avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Cette fondation soutient les familles vulnérables, les femmes et les enfants en Afghanistan. En 2006, il fut nommé ambassadeur de bonne volonté par l’UNHCR en récompense de son engagement pour l’aide aux réfugiés dans le monde.
Danemark, Allemagne, Autriche : Les associations comme relais pour l’intégration
Une association au Danemark, Danish Refugee Council, a réalisé une cartographie des associations afghanes en Europe (gérées par des réfugiés et des locaux). Ces associations devinrent des relais opérationnels pour l’intégration des migrants afghans. La prise de contact coordonnée avec les associations s’est suivie d’une conférence sur le rôle des Afghans en Europe.
L’événement, placé sous l’égide du Vienna Institute for International Cooperation and Dialogue (VIDC), s’est tenu à Vienne durant deux jours en décembre 2019. Les participants étaient aussi bien des associations afghanes de neuf pays européens, que des représentants publics ou encore des experts. Ce type de rencontre s’est renouvelée en Europe dans d’autres villes, par exemple à Berlin en 2020.
Conclusion : Vers une plus grande valorisation du potentiel des migrants ?
La découverte de quelques profils de la diaspora afghane illustre les apports économiques, sociaux et culturels à des pays d’accueil de diverses régions du monde.
La valorisation du potentiel des migrants est un sujet qui est de plus en plus intégré dans les discussions internationales. Une analyse similaire d’autres diasporas enrichirait la réflexion.
Alexandre Pamart
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