L’imam Iquioussen « en fuite » après l’arrêt confirmant son expulsion de France

 L’imam Iquioussen « en fuite » après l’arrêt confirmant son expulsion de France

Imam Hassan Iquioussen (G) – FRANCOIS LO PRESTI / AFP / 2004

Le Conseil d’État a donné son feu vert mardi à l’expulsion de l’imam marocain Hassan Iquioussen. Nouvel épisode de la croisade du ministre de l’Intérieur contre les imams jugés intégristes. Gérald Darmanin a fait ces dernières semaines de l’imam de Valenciennes le symbole de la lutte du gouvernement contre les « discours séparatistes ».

Désavouant le tribunal administratif de Paris, qui avait suspendu en urgence le 5 août l’expulsion de cet imam proche des Frères musulmans, la plus haute juridiction administrative française a estimé que cette décision de l’expulser vers le Maroc ne constituait pas « une atteinte grave et manifestement illégale à (sa) vie privée et familiale ».

Hassan Iquioussen, âgé de 58 ans, est né en France et y réside régulièrement. Mais, il avait décidé, à sa majorité, de ne pas opter pour la nationalité française. Il a cinq enfants et 15 petits-enfants, tous Français. Dans un tweet du Conseil d’État, le ministre de l’Intérieur a qualifié cette décision de « grande victoire pour la République » juste avant le communiqué.

 

L’imam Iquioussen « en fuite »

Mais, en début de soirée, les policiers venus l’interpeller à son domicile, à Lourches, près de Valenciennes (Nord) ne l’ont pas trouvé, selon une source proche du dossier. L’imam figure désormais au fichier des personnes recherchées (FPR). La police, qui le recherche activement, évoque l’hypothèse que le prédicateur soit en Belgique.

Sur Twitter, l’avocate de l’imam, Me Lucie Simon, a estimé que la décision du Conseil d’État symbolisait « un État de droit affaibli ». Elle a déploré « un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire ».

Me Simon avait souligné que les propos antisémites ou violemment misogynes reprochés à son client, dont la chaîne YouTube compte 178.000 abonnés, avaient « été tenus parfois il y a plus de vingt ans » et qu’il n’avait « jamais été ni poursuivi ni condamné pour ces propos ».

« Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH », a-t-elle ajouté.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait refusé de suspendre l’expulsion début août. La plus haute juridiction européenne avait expliqué qu’elle n’accordait des mesures provisoires de suspension « qu’à titre exceptionnel ». Lorsque le requérant était exposé « à un risque réel de dommages irréparables » par exemple.

 

« Provocation à la haine »

Lors de l’audience devant le Conseil d’État vendredi, la représentante du ministère de l’Intérieur avait dénoncé le « double discours » d’Hassan Iquioussen. Il le dépeint comme « un prédicateur charismatique qui a su acquérir une légitimité au sein d’un très large auditoire et qui, depuis des années, répand des idées insidieuses qui n’en sont pas moins des provocations à la haine, à la discrimination, à la violence ».

Dans sa décision, le tribunal estime que son « discours antisémite », « réitéré (…) après ses excuses de 2004 », et son « discours systématique sur l’infériorité de la femme », dans « des vidéos toujours disponibles sur internet, dont les dernières ont été réalisées en 2021 », constituaient bien « des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine ».

Si la justice reconnaît que ses attaches en France sont « fortes », il souligne que les enfants de l’imam « sont majeurs et ne dépendent plus de leur père et que son épouse ». De plus, ses enfants « ne se trouvent pas dans l’impossibilité de se déplacer au Maroc et de l’y rejoindre le cas échéant ». Le Conseil d’État a en outre estimé qu’il n’y a pas d’éléments faisant craindre que l’imam subisse « des de traitements inhumains et dégradants ». Il balaie ainsi l’un des principaux arguments de la défense.

Deux enquêtes sont en cours depuis août après des messages de menaces et d’injures reçus par Me Simon et par l’un des trois magistrats du tribunal administratif, signataire de l’ordonnance de suspension de l’expulsion de M. Iquioussen.

 

Rached Cherif