Allô, ma petite maman, bobo

 Allô, ma petite maman, bobo

Halim / Dargaud Benelux


MAGAZINE DECEMBRE 2017


La maltraitance des enfants, sujet tabou que l’illustrateur Halim Mahmoudi a décidé de briser à coups de crayon dans “Petite maman”. Une bande dessinée où il conte, avec tact mais sans complaisance, le destin d’une petite fille violentée par sa mère et son beau-père. 


Poignant, choquant même, Petite maman bouleverse dès les premières planches. Par la voie de la fiction, le dessinateur et scénariste Halim y traite d’une réalité sociale trop souvent tue : celle de la maltraitance infantile.


A travers l’histoire de Brenda, une enfant violentée physiquement et psychologiquement par sa mère et son beau-père, avant de devenir jeune mère à son tour, l’illustrateur livre l’indicible, l’inconcevable. Les dessins sont sans concession, parfois crus, et les mots très durs… Mais comment traduire autrement les violences subies quotidiennement par ces enfants ? Halim assume : “C’est un livre choc. Pour la première fois dans l’histoire du neuvième art, la maltraitance infantile est abordée de front.”


 


Refuser d’ignorer


Le lecteur se sent rapidement happé par une émotion forte qui ne laisse pas indemne. Une émotion qui, Halim l’espère, “peut contribuer à faire évoluer les mentalités”. Mais la route est encore longue. Rien qu’en France, il existerait plus de 98 000 cas connus d’enfants en danger, estime l’association L’Enfant bleu.


Presque quotidiennement, la rubrique des faits divers est alimentée par ce type de drames. Certains noms restent en ­mémoire, comme celui du petit Bastien, tué dans un lave-linge, ou encore celui d’Inaya, petite fille de 20 mois retrouvée enterrée dans un bois à Avon (Seine-et-Marne)… Les exemples ne manquent pas et font froid dans le dos. Si ces histoires tristes et ­macabres émeuvent et soulèvent l’indignation collective, sur le moment, elles sont tellement fréquentes qu’elles en deviennent presque banales, au point de les oublier… comme si de rien n’était.


Halim, lui, se refuse au confort du déni et de l’ignorance. La violence faite aux enfants, il ne la connaît que trop bien. “J’ai grandi dans un quartier populaire, à Oissel, à côté de Rouen, où règnent préca­rité et misère sociale… Tous les jours, j’ai vu des situations où éducation rimait avec violence”, déplore-t-il.


 


Graver la triste réalité sur le papier


Lorsqu’il apprend dans la presse, en 2009, la mort de la petite Marina à l’âge de 8 ans, son cœur se déchire. “Marina avait fait croire aux policiers qu’elle allait bien. Elle jouait un rôle pour protéger ses parents… Mais elle a fini par succomber aux tortures et aux coups qu’ils lui infligeaient. Ça m’a écœuré. Papa de trois filles, je suppose que c’est pour cela que cette histoire m’a tant touché”, confie l’auteur. C’est ce fait divers qui le décide à graver, de sa mine assurée, cette triste réalité sur papier. Stopper l’hémorragie de la maltraitance en la montrant au grand jour, sans pour autant émettre de jugement de valeur, telle est sa noble ambition.


Franc, direct et criant de vérité, le livre Petite maman ne laisse pas indifférent et rend merveilleusement hommage aux dires de Françoise Dolto, “L’enfant est une personne. Il n’est donc la propriété de personne”… 


 


PETITE MAMAN, Halim, éd Dargaud, 192 p., 20 € (2017).

Jonas GUINFOLLEAU