Loi interdisant la critique d’Israël : Un Palestinien attaque la ville de Houston

 Loi interdisant la critique d’Israël : Un Palestinien attaque la ville de Houston

Rasmy Hassouna, ingénieur travaillant pour la ville de Houston, a décidé d’attaquer en justice la législation interdisant les fournisseurs des administrations de critiquer Israël. Photo Rasmy Hassouna

Rasmy Hassouna, ingénieur palestinien travaillant aux États-Unis, a décidé de mener le combat contre une clause contractuelle l’interdisant de critiquer l’État d’Israël. Une clause qui est en réalité largement répandue dans le pays et contre laquelle il a décidé de porter plainte.

Un tribunal fédéral américain statue en ce moment dans une affaire opposant la ville de Houston au Texas et l’un de ses contractants. Pendant plus de vingt ans, l’ingénieur civil texan Rasmy Hassouna a travaillé pour la ville. Mais, au moment de renouveler son contrat, il découvre qu’une clause lui interdit, ainsi qu’à sa société, la critique ou le boycott d’Israël et de ses produits, tant qu’il travaillerait pour la ville. Pour ce natif de Gaza, la pilule ne passe pas. En allant aux États-Unis, « je pensais devenir un homme libre », explique le Palestinien de 59 ans au Guardian (lien en anglais).

« Ce que je fais ou ce que je dis n’est l’affaire de personne, tant que je ne fais de mal à qui que ce soit » ajoute-t-il. Poursuivant « Si je ne veux rien acheter à Walmart, qui êtes-vous pour me dire de ne pas boycotter Walmart ? Pourquoi dois-je faire allégeance à un pays étranger ? »

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Le difficile parcours qui a amené l’entrepreneur au Texas ne fait que renforcer sa colère. En tant que Palestinien sous occupation israélienne, M. Hassouna ne pouvait pas revendiquer de citoyenneté. Pendant près de deux mois, il allait quotidiennement demander son autorisation de partir aux autorités israéliennes.

 

Critique et de boycott d’Israël interdits

« Je me rendais à la porte et j’attendais de 7 h du matin à 5 h de l’après-midi. Voyez cela, en juin et juillet, à se tenir debout là en plein soleil ». Il obtient finalement non pas un passeport, mais un permis de voyage israélien. Lorsque fut venue pour lui l’heure de partir, son quartier à Gaza était sous couvre-feu. Il se rappelle encore la marche de plus de sept kilomètres derrière son père, pour quitter la zone de couvre-feu.

Ce fut la dernière fois qu’il vit son père, qui est mort avant qu’ils ne puissent se revoir. Sa mère est morte quelques années après son père. Mais, en raison des restrictions de voyage et de visas pour Gaza, Hassouna n’a pas pu la voir ni assister aux funérailles.

Face à cette clause inacceptable pour lui, il a décidé d’attaquer cette législation. En effet, la clause figurant dans son contrat avec la ville est en réalité courante dans le pays. 25 États ont adopté une législation similaire concernant les fournisseurs et prestataires des institutions publiques.

 

Faire respecter sa liberté d’expression

Le Conseil des Relations Americano-Islamiques (CAIR) a ainsi déposé une plainte au nom de l’ingénieur. Le journal Arkansas Times et la société de Rasmy Hassouna, A&R Engineering and Testing inc. sont actuellement les deux seules sociétés à combattre cette loi dans le pays. La plainte se fonde sur l’idée que de telles lois violent la liberté d’expression. Si elle est déclarée inconstitutionnelle, l’interdiction de 2019 du boycott d’Israël sera illégale dans l’État du Texas.

« Ils ne tenaient pas compte de qui est Rasmy Hassouna de Gaza, lui dont la famille a tellement souffert. Il croit que les Américains ont le droit de boycotter toute entité, étrangère ou nationale qu’ils souhaitent. C’est ce qu’il fait, joignant le geste à la parole » a dit Gadeir Abbas, un avocat spécialisé en litiges pour CAIR, qui représente Hassouna. Mais, la démarche ne va pas sans en payer le prix. Cela pourrait lui coûter une partie substantielle de son revenu annuel, assure son avocat.

 

Fier d’être Palestinien

« Je veux continuer à travailler avec la Ville et avec tout autre entité gouvernementale. Le problème est que je veux le faire en toute liberté et dignité » a-t-il dit. Il se dit également près à supporter les conséquences de sa plainte.

Ce n’est pas la première bataille que mène cet homme qui ne doit sa réussite qu’à ses seuls mérites. Lorsqu’il a obtenu la nationalité américaine en 2005, son certificat de citoyenneté mentionnait Israël comme lieu de naissance.

« Je suis allé voir la dame qui distribuait les certificats et je lui ai dit que je ne voulais pas Israël sur mon certificat. Elle m’a dit d’aller au bureau de l’immigration et qu’ils s’en occuperaient. Je leur ai expliqué que mon lieu de naissance n’était pas en Israël, mais dans la bande de Gaza en Palestine. Ils m’ont dit que ‘Palestine’ ne figurait pas dans le système ».

Hassouna a rendu le certificat au représentant du bureau de l’immigration et lui a demandé de lui rendre sa carte verte. Il préférait ne pas être citoyen américain plutôt qu’être désigné né en Israël. Après délibérations, le bureau de l’immigration a cédé et lui a posté un nouveau certificat mentionnant ‘la bande de Gaza’ comme lieu de naissance.

Rached Cherif