Grand débat:l’immigration comme contre feu à la grogne sociale ?

 Grand débat:l’immigration comme contre feu à la grogne sociale ?

Emmanuel Macron évoque la possibilité d’instaurer des quotas d’immigration dans sa lettre fixant les contours du débat national. Denis Charlet / AFP


Dans sa longue lettre aux Français, Emmanuel Macron propose de baliser le débat avec une série de 32 questions portant sur des thèmes déjà fixés comme la démocratie, la transition écologique, la fiscalité, mais aussi l'immigration. Cette thématique est pourtant quasi inexistante des revendications des Gilets jaunes, excepté dans sa frange d’extrême droite. 


Il n'y aura « pas de questions interdites », écrit encore le président concernant le Grand débat national lancé cette semaine. « Il n’y a pas de tabous » sur la question des quotas, a abondé lundi Gilles Le Gendre, patron des députés LREM. Faut-il y voir un retour des « quotas » d’immigration ? En tout cas, cette question chère à la droite est posée et risque de cristalliser le débat.


La lettre du président suggère de proposer des « objectifs annuels » avalisés par le Parlement. Il ne s’agit ni plus ni moins que de faire voter des quotas annuels par les parlementaires en matière d’immigration. Des députés de la majorité n’ont pas caché leur étonnement, voire leur agacement à l’introduction de ce sujet dans les termes d’un débat censé calmer la colère des Français sur les questions économiques, sociales et environnementales. Le député LREM Aurélien Taché, spécialiste des questions d’accueil, s’est montré embarrassé. Il s'est félicité que l'immigration soit incluse dans la partie « citoyenneté », mais a également affirmé que « le droit d'asile est un droit fondamental, il n'y aura jamais de quotas là-dessus » ni sur « l'immigration familiale ». Concernant l’immigration économique, il botte en touche en imaginant un système de quotas européens.


Dans le même temps, le cadre fixé par la lettre du président exclut de revenir sur les réformes votées sur la fiscalité sur le patrimoine, et donc sur la restauration de l’ISF, revendication clé des protestataires.


 


Les quotas plutôt que l’ISF


« On recommence les enflamma(des) sur un sujet hors sujet », a réagi Pierre Henry, directeur de France Terre d’asile, sur Twitter. Il rappelle que « la commission Mazeaud répondait inapproprié, anticonstitutionnel, anti conventionnel » à cette même proposition, formulée alors par Nicolas Sarkozy.


« 2019 s’annonce dramatique pour les exilé·e·s », estime pour sa part la Cimade, une des principales organisations de défense des migrants. L’ONG s’alarme de cette surenchère dans l’atteinte aux droits des personnes migrantes. Les chiffres du ministère de l’Intérieur pour 2018 confirment ainsi la « une politique chiffrée en matière d’enfermement et d’expulsion » tout en cachant « des réalités de plus en plus brutales vécues par les personnes étrangères », selon un communiqué. Plus de 50 000 personnes ont été enfermées en rétention administrative en 2018, dont des enfants, ce qui a valu à la France plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).


Pire, « le mois de janvier marque surtout un recul inédit des droits des exilé·e·s avec l’entrée en vigueur des dispositions les plus répressives de la loi Asile et Immigration », ajoute l’ONG. Les demandeurs d’asile doivent désormais faire leurs démarches dans un délai raccourci à deux ou trois mois. Ils auront ensuite cinq jours pour « rejoindre une région où elles ne seront pas forcément logées, mais où elles devront rester cantonnées pour ne pas perdre définitivement tout droit à des conditions d’accueil ».


Rached Cherif


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