France. Fatou Méïté, candidate « Émergence » sur la 10ème circonscription de Seine-Saint-Denis

 France. Fatou Méïté, candidate « Émergence » sur la 10ème circonscription de Seine-Saint-Denis

Fatou Méïté


 


Habitante de Bondy depuis toute petite, Fatou a été élue en 2008, conseillère municipale socialiste dans sa commune. Désormais sous la bannière Émergence, elle revient sur son parcours et évoque, amère, la face cachée du PS local.




 


« Pour le PS, j’étais un pantin, une caution ». Fatou Méïté, candidate Émergence aux élections législatives du 10 juin, ne mâche pas ses mots. Conseillère municipale chargée des relations internationales depuis 2008, Fatou a décidé de quitter le parti socialiste pour rejoindre Émergence, ce mouvement indépendant, fin 2011.


Toujours conseillère municipale, cette femme de gauche s’est rapprochée d’une mouvance plus en phase avec sa personnalité. « À la mairie, c’était simple, personne ne nous écoutait, il fallait faire allégeance à la maire en place ».


 


Arrivée au culot en politique


Rien ne prédisposait Fatou Méïté à la politique. Jeune, elle fait toutes ses classes à Bondy avant de rejoindre la capitale pour ses études supérieures. Après avoir obtenu un diplôme de l’Ecole de Hautes Etudes Internationales de Paris (EHEI) et un Master 2 en diplomatie et négociations stratégiques, elle intègre l’UNESCO, pour effectuer un stage au bureau de planification stratégique.


Alors qu’elle surfe sur le net, elle jette un œil aux vidéos sur les émeutes qui ont secoué la banlieue. « J’en regarde une dizaine et je me rends compte que la moitié provenait de ma ville, Bondy ».


Ni une ni deux, Fatou rédige un mail à l’attention de Gilbert Roger, maire socialiste de la commune depuis 1995. « J’y suis allée au culot. Je l’ai interpellé sur la future élection en lui demandant ce qu’il voulait faire concrètement pour nous ? ».


Dans son mail, Fatou, à la recherche d’un emploi, lui lance : « J’ai grandi ici, je veux bien apporter ma contribution, je reste à votre disposition ». Effet UNESCO ou pas, elle reçoit une réponse deux jours plus tard. Le maire accepte de la recevoir. Fin 2007, elle se rend dans son cabinet. Le maire la questionne : « Pourquoi êtes-vous venue me voir ? », Fatou ne se démonte pas et lui lance un brin provocatrice : « J’ai vu les évolutions positives et négatives de la ville, je souhaiterais faire quelque chose que ce soit avec vous, le PC ou d’autres partis politiques ».


Gilbert Roger lui propose de venir assister à une réunion du conseil municipal. Séduite, Fatou se retrouve en 33e position sur la liste PS en 2008. La mairie ne compte que 50 sièges. Pour que Fatou soit élue, il faut que le candidat fasse un gros score. Le PS fera 56 %.


 


 « Il fallait voter dans le bon sens et se taire »


Toute nouvelle dans le monde politique, Fatou n’est pas aidée. « On se retrouve sans filet, les personnes de ma majorité m’ont davantage mal accueillies que l’opposition ».


Regards de travers et rires insistants, rien ne lui est épargné. Un jour, Djamal Ammouri, maire adjoint en charge de la voirie vient la voir et brise la glace. « On vous appelle les parachutés, me dit-il, sans expérience, tu vas devoir faire tes preuves ».


Elle comprend vite qu’il va falloir se battre plus que les autres mais rien n’y fait. Ses suggestions ne sont pas prises en compte. Lors des conseils municipaux, on lui coupe le micro. « Je n’y croyais pas. C’était une attitude tyrannique et personne ne disait rien. On nous faisait comprendre qu’il fallait voter dans le bon sens et se taire ». En désaccord avec cette façon de diriger, Fatou fait plusieurs recours administratifs contre le maire pour contester les décisions.


Malgré l’ambiance délétère, elle continue de se donner à fond. Elle rédige un rapport d’activité qui n’intéresse personne. Des décisions sont prises sans lui en parler. « Lors du forum social à Dakar qui touchait ma délégation, je n’ai pas été conviée ». Elle finit par ouvrir les yeux. Noire et ayant grandi dans la commune, Fatou n’est qu’une « caution » pour l’équipe municipale.


 


Elle quitte le PS pour Émergence en 2011


En septembre 2011, Gilbert Roger devient sénateur et laisse sa place à sa première adjointe, Sylvine Thomassin. Rien ne bouge. « C’était limite une secte, il fallait faire allégeance suprême au maire. Je n’ai pas cette culture-là, il était hors de question de continuer ainsi ».  Elle se sent de plus en plus utilisée. On la place devant des faits accomplis sans l’informer. « Je ne veux pas être utilisée ni à mon avantage ni à mon désavantage ».


À ce moment, elle se rappelle avoir entendu parler du mouvement Émergence. Fatou les contacte, le dialogue passe bien. En fin d’année, elle quitte le PS pour rejoindre le mouvement. Elle l’annonce lors d’un conseil municipal, personne ne réagit. Toujours à gauche, elle ne bascule pas dans l’opposition et garde sa délégation.


En campagne depuis janvier, elle se retrouve face au député socialiste Goldberg et à son adjointe… la maire de Bondy. « Elle est maire, elle siège au Conseil Général et à la Communauté d’agglomération ».


Avec son suppléant Olivier Pagesse, ils espèrent faire le meilleur score possible, « au moins 9% », avec en vue les prochaines élections municipales. « On fait découvrir notre mouvement, notre programme et notre charte ».


Fief PS depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Fatou Meïté sait bien que prendre Bondy sera très difficile. Une perspective qui n’inquiète pas cet ingénieur commercial déterminée. « ça commence maintenant », nous lance-t-elle pleine d’espoir.


Jonathan Ardines




 

Jonathan Ardines